Problématique : Le méthane (CH4), un gaz à effet de serre (GES) dont le potentiel de réchauffement global est 25 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone (CO2) sur une période de 100 ans (GIEC, 2014), constitue une préoccupation majeure en raison des émissions élevées provenant des exploitations agricoles. En 2021, le secteur agricole canadien, incluant l’élevage, représentait environ 10 % des émissions nationales de GES, soit 69 mégatonnes d’équivalents CO2 (Environnement et Changement climatique Canada, 2023). Le fumier bovin étant l'une des principales sources de ces émissions majoritairement sous forme de CO2 et de CH4 en raison des pratiques d’élevage et de gestion des matières résiduelles (rapport d’inventaire des émissions de polluants atmosphériques du Canada, 2023). Face à cette situation, le Canada s'est engagé à réduire ses émissions de GES de 30 % d'ici 2030 et à atteindre la carboneutralité (une économie qui n'émet pas de GES ou qui compense ses émissions), d'ici 2050 (Gouvernement du Canada, 2022). La biométhanisation ou digestion anaérobie (DA) du fumier bovin constitue une solution prometteuse pour atténuer ces émissions tout en produisant de l’énergie renouvelable (Zheng et al., 2014; Rivard, 2015; Degueurce, 2016; Siddiki et al., 2021). Autrement dit, ce processus biologique de décomposition des matières organiques par des microorganismes anaérobies (en absence d’oxygène) permettrait non seulement de capter le CH4 produit lors de la décomposition du fumier, mais aussi de le transformer en biogaz, une source d'énergie renouvelable principalement composée de méthane. Cependant, l'efficacité de ce processus est limitée par la faible biodégradabilité du fumier seul, en particulier la fraction lignocellulosique (Motte, 2013 ; Zheng et al., 2014; Wyman et al., 2019), d’où la nécessité de trouver des solutions pour améliorer l’efficacité de la DA. Mon projet doctoral propose de pallier ce défi en utilisant des résidus agroforestiers (paille d’orge ou d’avoine pour les résidus de culture, copeaux et sciures de bois résineux comme l’épinette, le pin gris et le sapin baumier en ce qui concerne les résidus forestiers) comme source de carbone assimilable pour favoriser la croissance des microorganismes méthanogènes du fumier bovin et améliorer la production de biogaz tout en réduisant les émissions de GES. Objectifs et hypothèses: O1) Identifier les enzymes spécifiques responsables de la dégradation des différentes essences de bois lors de la phase d’hydrolyse de la DA du fumier bovin (ex : les laccases, peroxydases et cellulases, qui jouent un rôle crucial dans l’hydrolyse des composés lignocellulosiques). H1) la composition du substrat pourrait affecter la croissance de la communauté microbienne et l’expression des gènes qui codent pour les enzymes impliqués dans la dégradation du substrat lors de la phase d’hydrolyse. O2) Analyser l’impact de la nature et la taille des résidus de bois sur la composition du biogaz et le pouvoir fertilisant du digestat qui pourrait bénéficier à l'agriculture. H2.1) La réduction de la taille des résidus de bois pourrait assurer une décomposition plus rapide du substrat pendant la phase d’hydrolyse et favoriser la production de biogaz. H2.2) La nature du bois pourrait influencer la composition et le pouvoir fertilisant du digestat. O3) Quantifier les émissions de GES évitées par la DA du fumier bovin en milieu agricole. H3) La DA du fumier bovin et des résidus agroforestiers permettrait de réduire les émissions de GES (CH4, CO2, N2O). Méthodes : Les objectifs seront atteints par une approche méthodologique rigoureuse comprenant des analyses biochimiques, métagénomiques et physicochimiques, assurant une compréhension approfondie des mécanismes DA et de ses impacts environnementaux. En effet, pour identifier les enzymes responsables de la dégradation des substrats lignocellulosiques, l’ADN génomique des microorganismes sera extrait et une analyse métagénomique permettra de caractériser les gènes codant pour des enzymes telles que les laccases, peroxydases et cellulases (Hoegger et al., 2006; Hammel et Cullen, 2008; Bischof et al., 2016). La quantification de l’expression génique se fera par PCR quantitative (qPCR) pour évaluer l’impact de la composition du substrat sur la communauté microbienne (André et al., 2016). L’impact de la nature et de la taille des résidus de bois sur la production de biogaz sera évalué à travers des expériences en laboratoire, en mesurant les paramètres biochimiques comme les acides gras volatils (AGV) et la qualité du biogaz formé. Le digestat sera analysé pour déterminer son pouvoir fertilisant. Enfin, les émissions de GES évitées seront quantifiées en comparant les flux de méthane capturé lors de la DA à ceux émis par le fumier non traité (Abdeshahian et al., 2016). Le bilan carbone et azote des intrants et du digestat sera effectué pour estimer les réductions potentielles de CO2. Retombées : Nos résultats contribueront activement à l'atteinte des objectifs du gouvernement fédéral concernant la réduction des GES au Canada pour la lutte contre le changement climatique; Aussi, à l’issu d’une démarche inclusive respectueuses des pratiques culturelles et environnementales locales, mon étude pourra déboucher sur la création d'une unité pilote de biométhanisation qui pourrait servir de modèle reproductible pour les exploitations agricoles familiales au Canada tout en favorisant le développement d'une bioéconomie circulaire; En outre, le biogaz capté et utilisé comme énergie verte, contribuerait à l'autosuffisance énergétique des fermes bovines. De plus, le digestat produit pourrait être valorisé comme biofertilisant pour les cultures, ajoutant une valeur économique supplémentaire.