Le renouvellement des forêts par le biais des plantations est une importante pratique sylvicole dans la forêt boréale mixte de l'est du Canada. Lors de l'établissement de ces plantations, la disponibilité de lumière ainsi que celle des nutriments favorisent la venue d'espèces opportunistes, tels les feuillus de lumière et les plantes herbacées. Celles-ci captent les ressources au détriment des arbres plantés et ont ainsi le potentiel de réduire la croissance des semis. Cependant, l'effet des espèces compétitrices à plus long terme est peu connu et certaines études laissent croire que la composante feuillue pourrait avoir des effets bénéfiques sur la croissance des essences résineuses. L'objectif global de cette étude est de déterminer les effets de la proximité des essences feuillues, arborescentes et arbustives, sur la croissance et le stress hydrique d'épinettes noires (Picea mariana) et d'épinettes blanches (Picea glauca) issues de plantations de 15 à 30 ans. Le premier objectif de cette étude est de qualifier et quantifier les interactions compétitives entre les épinettes et les feuillus en déterminant l'importance de l'espèce compétitrice, de la densité du peuplement, de la taille des compétiteurs ainsi que leur proximité sur la croissance radiale de l'épinette noire et de l'épinette blanche. Afin de répondre à cet objectif, nous avons formulé 3 hypothèses de travail. Premièrement (1), compte tenu de la plus grande tolérance à l'ombre de l'épinette noire relativement à l'épinette blanche, nous nous attendons à ce que l'ombrage des voisins affecte davantage l'épinette blanche et, comme ces deux essences sont tolérantes à l'ombre, on s'attend à ce que la compétition par encombrement soit plus déterminante que celle pour la lumière. Deuxièmement (2), en raison des différences physiologiques entre les épinettes et les feuillus en ce qui a trait à l'utilisation des ressources, nous émettons l'hypothèse que les feuillus sont de plus faibles compétiteurs pour les épinettes qu'elles ne le sont pour elles-mêmes. Troisièmement (3), nous nous attendons à ce que la compétition par encombrement se produise seulement lorsque les feuillus sont plus gros que les épinettes. Le deuxième objectif vise à déterminer si la composante feuillue diminue le stress hydrique des plants selon 2 hypothèses. En accélérant la fermeture de la canopée (1), la composante feuillue diminue la pression de compétition pour l'eau par les plantes herbacées. (2) La composante feuillue, pour une même texture de sol, améliore les propriétés physiques du sol telles la structure, la porosité et la rétention en eau. L'aire d'étude se situe dans le sous-domaine bioclimatique de la sapinière à bouleau blanc de l'ouest, dans la région écologique des basses terres de l'Abitibi. Vingt plantations d'épinettes noires et d'épinettes blanches, âgées de 15 à 30 ans, ont été sélectionnées sur des sites argileux mésiques. Une analyse de compétition à l'échelle de l'arbre a été effectuée sur la croissance radiale de 378 arbres-cibles distribués sur 126 placettes. Le modèle utilisé répartit la compétition en effets d'ombrage et effets de densité. Le rapport isotopique de 13C/12C du bois des arbres-cibles a été analysé afin d'évaluer le stress hydrique des plants en fonction des propriétés physiques du sol et en fonction de la densité de la végétation. Une analyse de piste a été effectuée afin de déterminer l'effet de la composante feuillue sur le stress hydrique des plants. Le meilleur modèle de compétition pour l'épinette noire est dépendant de la distance et inclut un effet de taille et d'espèce alors que l'effet d'ombrage est faible. Les plus forts compétiteurs sont les feuillus arborescents par leur effet de densité. Pour l'épinette blanche, le modèle inclut un effet d'ombrage et de densité en fonction de l'espèce où les plus forts compétiteurs sont les conspécifiques et les feuillus arborescents sont de faibles compétiteurs. Dans les deux cas, les plus petits individus sont plus sensibles à la compétition et l'effet compétitif des feuillus arbustifs est négligeable. En fait, les feuillus arbustifs diminuent le stress hydrique des plants en augmentant la capacité de rétention en eau du sol. Dans l'ensemble, nos résultats démontrent que les arbres et les arbustes feuillus en plantations d'épinette de 15 à 30 ans ont des interactions à la fois compétitives et facilitantes.