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Un « vérificateur des forêts » proposé.

Par : La Presse | Publié le : 2004-12-11

tiré de La Presse du samedi 11 décembre 2004.

Québec

Le gouvernement du Québec devrait mettre en place un chien de garde du patrimoine forestier, tant cette ressource est exploitée à l'aveuglette actuellement. Ce «vérificateur des forêts» relèverait directement du vérificateur général du Québec, et non du ministre des Ressources naturelles. C'est ce que recommande la Commission sur les forêts publiques, présidée par Guy Coulombe, dans le rapport qu'a obtenu La Presse hier.

Le document de 314 pages fait un bilan fort critique des méthodes d'évaluation utilisées au Québec de la capacité de la forêt de se régénérer après les coupes. On a tellement surévalué la croissance des forêts qu'il faut immédiatement sabrer de 20 % la quantité de matière ligneuse estimée pour des essences surexploitées comme le sapin et l'épinette. Le vérificateur proposé par la Commission «examinerait si la gestion des forêts respecte les règles et les critères de qualité établis au régime forestier», recommande le rapport Coulombe. Joint chez lui hier soir, M. Coulombe a refusé d'en dire plus, promettant tous les détails au moment de la publication officielle du document, mardi à Québec.

La commission, formée en octobre 2003, a reçu 303 mémoires et sillonné 16 villes en plus de quatre communautés autochtones. Elle préconise le report à avril 2008 de l'entrée en vigueur du prochain plan d'aménagement, initialement prévue pour avril 2007, pour donner le temps d'implanter ses recommandations. Surtout, elle demande que, d'ici 2008, les évaluations du potentiel forestier pour le groupe sapin-épinette-pin soient réduites de 20 % par rapport aux plans présentement en vigueur. Dans le chapitre 5 de son rapport, la Commission tombe à bras raccourcis sur les méthodes utilisées jusqu'ici au Ministère pour évaluer les quantités de bois qui peuvent être coupées en se fondant sur la capacité de la forêt à se régénérer. Ce faisant, elle donne raison au plaidoyer percutant de Richard Desjardins dans son documentaire L'Erreur boréale, qui montrait du doigt le système Sylva, l'outil informatique utilisé par Québec pour décider du volume des récoltes. Avec ses modèles informatiques, Québec prétend prévoir la production forestière des 150 prochaines années. Or, ces prévisions se trompent de 15 mètres cubes par hectare sur une période de cinq ans, et de 30 mètres cubes sur 25 ans. Cette méthode de calcul a été abandonnée en catastrophe en mars 2004; elle avait une marge d'erreur de 10 à 50 % sur le temps établi pour le renouvellement de la forêt et de 30 % sur la quantité de bois disponible!

Ainsi, dans l'ensemble, la méthode débouchait sur des évaluations erronées oscillant entre 26 et 45 %. « Ceci montre bien le peu de fiabilité des résultats du calcul de la possibilité ligneuse », résume la commission. Entre 1990 et 2003, le volume total récolté dans les forêts publiques est passé de 21,1 à 30,5 millions de mètres cubes annuellement. «On en vient à se demander si les niveaux de coupe actuels dépassent la productivité ligneuse des écosystèmes», affirment les commissaires. Aussi, la qualité du bois est en chute libre. Au cours des 25 dernières années, le diamètre moyen des troncs récoltés est passé de 19 centimètres en 1977 à 16 centimètres en 2002. Le rapport Coulombe n'hésite pas à parler de «la faible précision des données d'inventaire» qui «entraîne d'importantes inadéquations» entre les résultats et la réalité. On parle aussi des «fortes imprécisions» et de « lacunes importantes en ce qui a trait à la prédiction» de la mortalité des arbres et à l'apparition de nouvelles pousses. Devant autant de dérapages, la Commission propose que, dès les prochains plans d'aménagement, «d'importants changements soient apportés dans les stratégies sylvicoles (...) afin d'assurer un développement durable du patrimoine forestier». Les calculs informatiques devraient «être assortis d'outils de vérification et mieux encadrés par le jugement professionnel de l'aménagiste forestier». On devrait aussi inclure au modèle informatique des données sur «l'accessibilité» de la matière ligneuse, une dimension importante souvent mise de côté dans les calculs actuels.