L’importance des forêts matures et âgées pour le maintien de la biodiversité est irréfutable. En raison de leur utilisation marquée du bois mort et des arbres sénescents pour l’excavation de leurs cavités de nidification et leur alimentation, les espèces cavicoles sont particulièrement sensibles à la perte de ce type d’habitat. Parmi ces espèces, le Grand Pic (Dryocopus pileatus) est une espèce de choix pour orienter les standards d’aménagement forestiers, détenant le statut d’espèce indicatrice de la forêt mature, espèce clé de voute et parapluie, en raison de son impact positif sur la faune alternatifs en cas de perturbation et contiennent également une bonne disponibilité d’arbres propices à son alimentation. Ainsi, les peuplements matures à forte concentration de peupliers faux-trembles s’avèrent d’une importance capitale dans l’occupation du territoire chez cette espèce. Les orientations d’aménagement forestier durable devraient donc se baser sur une vision à long terme ciblant davantage le maintien dans le paysage d’une plus forte proportion de peuplements mixtes âgés de peupliers fauxtrembles sénescents et d’arbres matures de conifères (sapin baumier, épinette blanche) pour la nidification du Grand Pic, leur nombre ayant déjà été grandement diminué en raison des systèmes d’aménagement forestier équienne basés principalement sur les pratiques de coupes avec protection de la régénération et des sols (CPRS) qui ces dernières décennies ont rajeuni passablement le couvert forestier diminuant d’autant les vieilles forêts mixtes dans la portion sud de la forêt boréale.utilisatrice des grandes cavités, cavités qu’il creuse chaque année. Pour mieux comprendre l’écologie de cette espèce, la présente étude a pour premier objectif de définir les concepts et enjeux associés aux processus de sélection d’habitats, avec un accent sur l’échelle du domaine vital, et de dresser par la suite un portrait d’ensemble de la sélection d’habitats faite par le Grand Pic à différentes échelles spatiales en forêt boréale mixte du Nord-ouest du Québec. Elle a pour second objectif d’évaluer comment la répartition des sites de nidification du Grand Pic est associée à la distribution des arbres de nidification et d’alimentation dans les peuplements forestiers de la forêt boréale mixte du Nord-ouest du Québec. Pour ce faire, un modèle empirique de la qualité de l’habitat des peuplements forestiers de la forêt boréale mixte a été élaboré en mettant en relation les informations des cartes numériques écoforestières, les inventaires forestiers du ministère des Forêts de la Faune et des Parcs du Québec et l’important jeu de données empiriques des arbres d’alimentation et de reproduction du Grand Pic répertoriés lors des recensements de la faune cavicole dans notre secteur d’étude ces derniers 15 ans. Ce modèle a été utilisé pour comparer la proportion des peuplements propices à la reproduction du Grand Pic de 30 sites de nidification connus à l’intérieur d’un domaine vital estimé de 500 hectares à celle de 30 sites de même superficie distribués aléatoirement dans l’aire d’étude. De plus, dans les 30 sites de nidification de Grand Pic, la répartition des proportions de peuplements forestiers en fonction de la densité estimée des tiges propices à la reproduction a été comparée selon trois zones concentriques en périphérie des nids, soit à proximité (soit de 0 à 166 ha), à une distance intermédiaire (soit de 167 à 334 ha) et éloignée du site de nidifications (soit de 335 à 500 ha). Enfin, un échantillonnage sur le terrain de la densité de tiges adéquates pour l’alimentation et la nidification de l’espèce a été réalisé dans 250 placettes distribuées de manière systématique dans des zones de 500 hectares autour de 5 sites de nidification actifs en 2020. Pour l’ensemble de la région à l’étude, nos analyses ont révélé qu’à l’échelle de la mosaïque forestière (65 200 ha) les secteurs du territoire abritant une cavité de reproduction de Grand Pic étaient répartis dans des paysages dont les peuplements adjacents contenaient des densités plus élevées d’arbres pouvant abriter une cavité de reproduction que les secteurs aléatoires. À l’échelle des domaines d’activités du Grand Pic (500 ha) centrés sur les 30 sites de nidification répertoriés depuis 2003, la proportion de peuplements forestiers de qualité élevée (avec un fort nombre estimé de tiges propices à la reproduction) était plus élevée à proximité des nids (premier rayon de 728 mètres) qu’à distance de ces derniers. Enfin, dans les cinq sites de reproduction actifs en 2020, nos inventaires systématiques ont montré des densité effectives des tiges propices à la nidification et à l’alimentation du Grand Pic plus élevées à proximité du nid, venant confirmer le rôle clé des arbres de reproduction et d’alimentation dans la répartition spatiale de la sélection des sites de nidification du Grand Pic dans notre aire d’étude. Ces résultats montrent que la localisation des nids de Grand Pic (sélection de troisième ordre; Johnson, 1980) est fortement associée à une sélection fine de peuplements forestiers à forte concentration d’arbres pouvant accueillir des cavités et des arbres d’alimentation (sélection de quatrième ordre; Johnson, 1980). Ils montrent aussi qu’à l’intérieur des domaines d’activités des couples nicheurs actifs, les concentrations d’arbres propices à la reproduction et à l’alimentation sont des variables clés pour l’établissement de leur territoire. Les avantages des peuplements mixtes matures sont nombreux pour le Grand Pic. Ils peuvent permettre à un couple d’occuper un territoire durant plusieurs années, offrent des sites de nidification alternatifs en cas de perturbation et contiennent également une bonne disponibilité d’arbres propices à son alimentation. Ainsi, les peuplements matures à forte concentration de peupliers faux-trembles s’avèrent d’une importance capitale dans l’occupation du territoire chez cette espèce. Les orientations d’aménagement forestier durable devraient donc se baser sur une vision à long terme ciblant davantage le maintien dans le paysage d’une plus forte proportion de peuplements mixtes âgés de peupliers faux-trembles sénescents et d’arbres matures de conifères (sapin baumier, épinette blanche) pour la nidification du Grand Pic, leur nombre ayant déjà été grandement diminué en raison des systèmes d’aménagement forestier équienne basés principalement sur les pratiques de coupes avec protection de la régénération et des sols (CPRS) qui ces dernières décennies ont rajeuni passablement le couvert forestier diminuant d’autant les vieilles forêts mixtes dans la portion sud de la forêt boréale.