Ce mémoire se propose de qualifier la tolérance à l’ombre, la tolérance au pH et la plasticité de la végétation herbacée du sous-bois dans le Nord-Est de l’Amérique du Nord, plus particulièrement au Québec. La caractérisation de la végétation herbacée, ainsi que des semis d’arbres, s’est longtemps limitée à une brève description de celle-ci sur le terrain. Peu d’études se sont intéressées à finement établir leurs caractéristiques selon les grands gradients environnementaux. Pour ce qui est de la tolérance à l’ombre, la plupart des études classifient les espèces en trois classes : sciaphiles, photophiles et héliophiles. Ces trois classes regroupent respectivement les espèces liées aux couverts très fermés, les espèces de demi-ombre se retrouvant dans les lisières et les taillis et finalement les espèces de milieux ouverts. Dans ce mémoire, nous avons essayé d’étendre cette classification à neuf classes de tolérance à l’ombre à la manière d’Ellenberg et al. (1992). A l’aide de données d’experts et issues de la bibliographie, nous avons caractérisé la tolérance à l’ombre de 347 espèces, dont 71 espèces ligneuses au stade de semis, 185 espèces herbacées et 91 espèces de bryophytes et lichens. Ce qui ressort également est la forte concordance des valeurs obtenues par rapport aux données européennes existantes. Cette similarité est très forte pour les plantes invasculaires (bryophytes et lichens). Les données europ éennes sont donc utilisables, d’autant plus que la simplicité de ces organismes les rend peu enclins à la différentiation génétique. Pour les conditions édaphiques, particulièrement le pH, les données de la littérature sont encore plus restreintes. Classiquement, pour le pH, on décrit les espèces comme étant calcicoles, neutrophiles et acidiphiles. Les données d’experts étant très difficiles à obtenir pour le pH, nous avons appliqué des régressions logistiques suivant le modèle de Laplace-Gauss sur des relevés issus d’études phytosociologiques faites à l’universit é Laval sous la direction du Professeur Miroslav Grantner. L’équation résultante de cette régression nous a permis de calculer la largeur de la distribution des espèces le long de ce gradient de pH. Cette dernière valeur, le kurtosis, permet d’avoir une idée de la plasticité des espèces vis-à-vis de ce gradient. Le même type d’analyse a été appliqué au gradient de lumière à l’aide du calcul de l’indice lumineux moyen obtenu suivant la valeur de tolérance à l’ombre des espèces présentes dans les relevés phytosociologiques. Quelque 96 espèces furent analysées de cette manière, et la régression nous a permis de dégager un indice de pH significatif pour 56 espèces et 51 espèces pour la lumière. L’analyse des résultats pour la plasticité nous a permis de dégager les patrons généraux de cette plasticité. La plasticité pour le pH varie selon une hyperbole négative en fonction de l’optimum écologique des espèces pour le pH. En d’autres termes, les espèces de milieu plus acide sont moins plastiques pour le pH, c’est-à-dire qu’elles se retrouvent sur des sols ayant une gamme de pH plus restreinte que les espèces de sol plus neutre. Ce résultat va dans le sens de l’hypothèse de spécialisation énoncée par Lortie and Aarssen (1996), à savoir que les espèces tendent à se spécialiser et cela au dépend de leur plasticit é. Ce patron général ne se retrouve pas pour la lumière. Au contraire, il y a une très forte orthogonalité de la plasticité par rapport à son optimum. Cette orthogonalité indique que ces deux caractéristiques pour la lumière ne sont pas en interaction et il se peut qu’il n’y ait pas de spécialisation pour la lumière. Les espèces dites tolérantes à l’ombre ne deviendraient donc pas plus tolérantes à l’ombre avec le temps, mais seraient plutˆot confinées à de faibles conditions de lumière à cause de leur faible compétitivité dans les milieux adjacents plus lumineux. En conclusion, ce mémoire a permis de mieux caractériser les conditions écologiques générales d’un très grand nombre d’espèces par rapport à leur réaction au pH et à la lumière, deux conditions écologiques très importantes pour les plantes. De plus, la tolérance à l’ombre, qui indique classiquement le niveau de lumière où une plante subsiste, pourrait aussi être définie comme l’habileté compétitrice de cette espèce. © 2006 UQAM tous droits réservés.