Au Québec, l'intérêt pour la mise en oeuvre de nouvelles façons d'aménager les forêts afin de concilier la protection de la biodiversité avec la production de bois est de plus en plus marqué. Dans ce contexte, la sylviculture intensive (production élevée de bois sur une superficie limitée), est perçue comme étant un outil important pour l'atteinte de ces deux objectifs.
Un des volets de la sylviculture intensive s'appuie sur la culture d'essences à croissance rapide, mises en terre sur des terrains préparés mécaniquement. Un enjeu important est de trouver un optimum entre la maximisation de la survie et de la croissance des espèces d'intérêt, et la minimisation des impacts de la préparation de terrain sur le sol et l'environnement. L'objectif de ce projet de recherche a été d'identifier la préparation de terrain la plus convenable pour la croissance des plants de mélèze hybride (MEH) (Larix x marschlinsii Coaz), et en même temps, celle qui a le moins d'impact environnemental. Parallèlement, nous prétendions apporter des connaissances sur la réaction des plants forestiers à la profondeur de mise en terre et aux facteurs du microsite modifiés par la préparation mécanique du sol. Nous avons voulu établir un gradient de perturbation du microsite, pour tester si : i) la réponse des plants serait directement proportionnelle à l'intensité de la perturbation du microsite de plantation, issue de la préparation de terrain et si ii) les plants plantés en profondeur (3–10 cm) auraient une meilleure performance que ceux plantés de la façon traditionnelle (0–3 cm). Nous avons établi un dispositif expérimental qui a été reboisé au printemps 2010 avec des plants de MEH, une espèce à croissance rapide et exigeante en ressources. Pour chaque plant, nous avons mesuré, à trois reprises (printemps et automne 2010 et automne 2011), son diamètre au niveau du sol et sa hauteur totale. De plus, nous avons choisi quatre plants par placette d'échantillonnage pour faire un suivi plus fin des facteurs qui influencent leur croissance et survie : la température du sol, son contenu en eau, l'état nutritionnel des plants et la couverture végétale autour d'eux. Des analyses de variance et la modélisation des relations entre les différents facteurs par l'utilisation d'équations structurelles (SEM) ont été utilisées pour le traitement des données.
Nos résultats indiquent que la croissance et la survie des plants n'ont pas eu de relation directe (ni indirecte) avec le gradient de perturbation du microsite. C'est-à-dire que le fait d'augmenter l'intensité de la perturbation du microsite ne signifie pas une augmentation de la croissance et de la survie des plants. De plus, il n'y a pas eu d'importantes différences en croissance, ni pour les traitements de scarifiage ni pour les profondeurs de mise en terre. À partir de l'analyse SEM, nous avons observé que la croissance des plants a été affectée légèrement et négativement par la température et le contenu en eau du sol. Ces résultats aussi montrent que la croissance des plants a été positivement affectée par la concentration des nutriments dans les feuilles. Et finalement, de façon inattendue, la végétation autour des plants à eu une forte et positive influence sur l'état nutritionnel des plants, influence qui n'a pas été aperçue à la profondeur de 3 – 10 cm. Nos résultats montrent un ensemble d'effets positifs et négatifs sur les plants, issus de l'interaction de ces derniers avec les traitements et la végétation autour d'eux. Cela a fait en sorte qu'en moyenne, la réponse des plants est similaire parmi les différents traitements.
En plus de fournir des connaissances nouvelles sur des méthodes innovatrices de préparation du sol, nos résultats ont un impact direct sur la planification des activités forestières dont le but est l'optimisation de l'établissement des plants. Dans le cadre de cette recherche, la croissance et la survie des plants de MEH était similaire sans égard au traitement utilisé. Par conséquent, le choix opérationnel peut se faire sur le traitement le moins cher (simple passage de scarificateur à disque) ou celui qui a le moindre impact environnemental (inversion à l'aide de la pelle mécanique). Concernant la profondeur de mise en terre, vu que la plantation profonde n'a pas d'effet négatif sur la croissance et la survie, il serait préférable de la promouvoir ou, à tout le moins, cesser de la pénaliser afin de contrer le déchaussement et éviter ou diminuer l'éjection par le gel. Toutefois, étant donnée la sensibilité du MEH aux sols inondés, il est important de privilégier les microsites élevés. Le traitement en inversion, combiné avec une mise en terre profonde, semble être la meilleure alternative, puisque les inversions sont un des traitements qui ont un moindre impact environnemental, représentent un moindre danger pour les reboiseurs et les débroussailleurs et procurent aux plants un microsite libre de compétition pour au moins les deux premières années. Or, vu que les inversions peuvent être un microsite davantage sec, la mise en terre profonde, assure aux plants un accès plus rapide (en comparaison avec la mise en terre peu profonde) à l'eau du sol et à la couche de matière organique enterrée sous le sol minéral.