Au cours des trois dernières décennies, l'étude du bois mort dans les forêts du monde a retenu l'attention de la communauté scientifique. En effet, son importance pour la biodiversité est largement documentée, ce qui motive l'industrie forestière et les gouvernements à modifier les pratiques sylvicoles pour conserver une structure de bois mort adéquate au maintien de la faune et de la flore qui y sont associées. Pour ce faire, la forêt boréale du Québec est généralement aménagée par des coupes équiennes avec une rétention d'habitats résiduels entre les aires de récoltes principalement de forme linéaire (séparateurs de coupe et bandes riveraines). L'objet de cette étude est donc d'évaluer la dynamique de bois mort dans ces forêts résiduelles dans le but de (i) caractériser le recrutement de bois et ses facteurs explicatifs sous-jacents au cours de son évolution depuis la coupe (jusqu'à 30 ans), (ii) évaluer la durabilité des habitats linéaires et le potentiel de recrutement de bois mort à long terme et (iii) d'évaluer les patrons de dégradation pour deux espèces d'arbre dominantes dans leurs écosystèmes respectifs (peuplier faux-tremble et épinette noire). L'étude a été réalisée en forêt boréale au nord de l'Abitibi-Témiscamingue. On y a mesuré la structure verticale et horizontale dans 26 séparateurs de coupe et 29 bandes riveraines répartis sur deux sous-domaines bioclimatiques (Sapinière à bouleau blanc et Pessière à mousses de l'Ouest) et couvrant une chronoséquence de temps depuis la coupe de 3 à 30 ans. De plus, des galettes de chicots et de billes au sol de peupliers faux-tremble (PET) et d'épinette noire (EPN) ont été prélevées. La dernière année de croissance de ces galettes a été déterminée par une analyse dendrochronologique. Les résultats montrent que les arbres en bordures de coupe (<6 mètres) sont grandement perturbés par l'ouverture, tandis qu'une largeur minimale de 100 mètres pour les séparateurs de coupe assure une forêt d'intérieur de qualité apte à soutenir un apport continu de bois mort semblable à celui des forêts matures qui forment des massifs. En général, les rétentions étudiées n'étaient pas dans un état de détérioration (disponibilité d'arbres morts sur pied) et démontraient une certaine durabilité à long terme en matière de recrutement de bois mort sur pied. Les patrons de dégradation du peuplier faux-tremble et de l'épinette noire ont montré une certaine vulnérabilité à la coupe forestière, mais la longévité de chicots est similaire aux données reportées dans les études en forêt naturelle pour la même région. Dans l'ensemble, nos résultats indiquent que les aménagements forestiers auraient avantage à élargir les habitats résiduels pour répondre efficacement aux objectifs de conservation de la biodiversité, notamment celle associée au bois mort.