La productivité de la forêt boréale du nord-est de l'Amérique du Nord (NEAN) pourrait être menacée par les changements climatiques futurs. Plusieurs études basées sur l'analyse dendrochronologique des variations dans la largeur des cernes de croissance et des ratios isotopiques du carbone ont mis en évidence une dissemblance spatiale dans la réponse au climat de la principale espèce dominante de cet écosystème : l'épinette noire (Picea mariana (Mill.) B.S.P.). Afin de mieux décrire les différentes facettes de la réponse de cet écosystème au climat, la présente recherche tente de caractériser de manière plus adéquate la complémentarité et la stationnarité spatio-temporelle des indicateurs de productivité forestière i.e., les largeurs de cernes et les ratios isotopiques du carbone. Une compréhension plus précise des mécanismes par lesquels les facteurs climatiques affectent la croissance permettrait de mieux anticiper la réponse future des arbres au climat sur de grandes échelles spatiales. Pour la présente étude, les largeurs de cernes et les ratios isotopiques du carbone ont été utilisés pour témoigner de la réponse des arbres au climat sur un gradient latitudinal entre le 48e et le 55e parallèle dans le nord du Québec. Ce gradient de mesures dendroisotopiques s'étend sur plus de 1000 kilomètres, ce qui en fait le plus long étudié dans cette région à ce jour. Les résultats ont permis de déterminer que les stratégies de réponse au climat de l'épinette noire sont diverses et que les peuplements s'adaptent en fonction des différents facteurs dominants (température ou précipitations), ainsi qu'en fonction de la latitude et de la saisonnalité des variations. L'influence des températures augmente suivant le gradient sud-nord, mais l'effet direct de celles-ci sur la productivité peut être modulé indirectement par des ressources en eau sous le contrôle même des températures (via des mécanismes comme l'évaporation et l'évapotranspiration). L'étude démontre aussi que la réponse des largeurs de cernes et des ratios est non stationnaire, plus particulièrement après 1980 et que cette non-stationnarité s'accroit avec la latitude. Les résultats présentés offrent donc un nouvel éclairage sur la réponse récente au climat des peuplements d'épinettes noires de la forêt boréale du NEAN en contexte de changements climatiques.