La forêt boréale est un écosystème hétérogène et dynamique façonné par les
perturbations naturelles comme les feux, les épidémies d’insectes, le vent et la
régénération. La dynamique des trouées joue un rôle important dans la dynamique
forestière parce qu’elle influence le recrutement de nouveaux individus au sein de la
canopée et la croissance de la végétation avoisinante par une augmentation des
ressources. Bien que l’importance des trouées en forêt boréale fut reconnue, les
connaissances nécessaires à la compréhension des relations entre le régime de trouées
et la dynamique forestière, en particulier sur la croissance, sont souvent manquantes.
Il est difficile d’observer et de mesurer extensivement la dynamique des trouées ou
les changements de la canopée simultanément dans le temps et l’espace avec des
données terrain ou des images bidimensionnelles (photos aériennes,…) et ce
particulièrement dans des systèmes complexes comme les forêts ouvertes ou
morcelées. De plus, la plupart des recherches furent menées en s’appuyant sur
seulement quelques trouées représentatives bien que les interactions entre les trouées
et la structure forestière furent rarement étudiées de manière conjointe.
Le lidar est un système qui balaye la surface terrestre avec des faisceaux laser
permettant d’obtenir une image dense de points en trois dimensions montrant les
aspects structuraux de la végétation et de la topographie sous-jacente d’une grande
superficie. Nous avons formulé l’hypothèse que lorsque les retours lidar de tirs quasiverticaux
sont denses et précis, ils permettent une interprétation de la géométrie des
trouées et la comparaison de celles-ci dans le temps, ce qui nous informe à propos de
leur influence sur la dynamique forestière. De plus, les mesures linéaires prises à
différents moments dans le temps permettraient de donner une estimation fiable de la
croissance. Ainsi, l’objectif de cette recherche doctorale était de développer des
méthodes et d’accroître nos connaissances sur le régime de trouées et sa dynamique,
et de déterminer comment la forêt boréale mixte répond à ces perturbations en termes
de croissance et de mortalité à l’échelle locale. Un autre objectif était aussi de
comprendre le rôle à court terme des ouvertures de la canopée dans un peuplement et
la dynamique successionelle. Ces processus écologiques furent étudiés en
reconstituant la hauteur de la surface de la canopée de la forêt boréale par l’utilisation
de données lidar prises en 1998, 2003 (et 2007), mais sans spécifications d’études
similaires. L’aire d’étude de 6 km² dans la Forêt d’Enseignement et de Recherche du
Lac Duparquet, Québec, Canada, était suffisamment grande pour capter la variabilité
de la structure de la canopée et de la réponse de la forêt à travers une gamme de
peuplements à différents stades de développement.
Les recherches menées lors de cette étude ont révélé que les données lidar multitemporelles
peuvent être utilisées a priori dans toute étude de télédétection des changements, dont l’optimisation de la résolution des matrices et le choix de
l’interpolation des algorithmes sont essentiels (pour les surfaces végétales et
terrestres) afin d’obtenir des limites précises des trouées. Nous avons trouvé qu’une
technique basée sur la croissance de régions appliquée à une surface lidar peut être
utilisée pour délimiter les trouées avec une géométrie précise et pour éliminer les
espaces entre les arbres représentant de fausses trouées. La comparaison de trouées
avec leur délimitation lidar le long de transects linéaires de 980 mètres montre une
forte correspondance de 96,5%. Le lidar a été utilisé avec succès pour délimiter des
trouées simples (un seul arbre) ou multiples (plus de 5 m²). En utilisant la
combinaison de séries temporelles de trouées dérivées du lidar, nous avons développé
des méthodes afin de délimiter les divers types d’évènements de dynamique des
trouées : l’occurrence aléatoire de trouées, l’expansion de trouées et la fermeture de
trouées, tant par la croissance latérale que la régénération.
La technique proposée pour identifier les hauteurs variées arbre/gaulis sur une image
lidar d’un Modèle de Hauteur de Couvert (MHC) a montré près de 75 % de
correspondance avec les localisations photogrammétriques. Les taux de croissance
libre suggérés basés sur les donnés lidar brutes après l’élimination des sources
possibles d’erreur furent utilisés subséquemment pour des techniques statistiques afin
de quantifier les réponses de croissance en hauteur qui ont été trouvées afin de faire
varier la localisation spatiale en respect de la bordure de la trouée. À partir de la
combinaison de donnés de plusieurs groupes d’espèces (de conifères et décidues)
interprétée à partir d’images à haute résolution avec des données structurales lidar
nous avons estimé les patrons de croissance en hauteur des différents groupes
arbres/gaulis pour plusieurs contextes de voisinage.
Les résultats on montré que la forêt boréale mixte autour du lac Duparquet est un
système hautement dynamique, où la perturbation de la canopée joue un rôle
important même pour une courte période de temps. La nouvelle estimation du taux de
formation des trouées était de 0,6 %, ce qui correspond à une rotation de 182 ans pour
cette forêt. Les résultats ont montré aussi que les arbres en périphérie des trouées
étaient plus vulnérables à la mortalité que ceux à l’intérieur du couvert, résultant en
un élargissement de la trouée. Nos résultats confirment que tant la croissance latérale
que la croissance en hauteur de la régénération contribuent à la fermeture de la
canopée à un taux annuel de 1,2 %. Des évidences ont aussi montré que les trouées de
conifères et de feuillus ont des croissances latérales (moyenne de 22 cm/an) et
verticales similaires sans tenir compte de leur localisation et leur hauteur initiale. La
croissance en hauteur de tous les gaulis était fortement positive selon le type
d’évènement et la superficie de la trouée. Les résultats suggèrent que la croissance
des gaulis de conifères et de feuillus atteint son taux de croissance maximal à des
distances respectives se situant entre 0,5 et 2 m et 1,5 et 4 m à partir de la bordure
d’une trouée et pour des ouvertures de moins de 800 m² et 250 m² respectivement.
Les effets des trouées sur la croissance en hauteur d’une forêt intacte se faisaient
sentir à des distance allant jusqu’à à 30 m et 20 m des trouées, respectivement pour
les feuillus et les conifères.
Des analyses fines de l’ouverture de la canopée montrent que les peuplements à
différents stades de développement sont hautement dynamiques et ne peuvent
systématiquement suivre les mêmes patrons successionels. Globalement, la forêt est
presqu’à l’équilibre compositionnel avec une faible augmentation de feuillus,
principalement dû à la régénération de type infilling plutôt qu’une transition
successionelle de conifères tolérants à l’ombre. Les trouées sont importantes pour le
maintien des feuillus puisque le remplacement en sous-couvert est vital pour certains
résineux. L’étude à démontré également que la dernière épidémie de tordeuse des
bourgeons de l’épinette qui s’est terminée il y a 16 ans continue d’affecter de vieux
peuplements résineux qui présentent toujours un haut taux de mortalité.
Les résultats obtenus démontrent que lidar est un excellent outil pour acquérir des
détails rapidement sur les dynamiques spatialement extensives et à court terme des
trouées de structures complexes en forêt boréale. Les évidences de cette recherche
peuvent servir tant à l’écologie, la sylviculture, l’aménagement forestier et aux
spécialistes lidar. Ces idées ajoutent une nouvelle dimension à notre compréhension
du rôle des petites perturbations et auront une implication directe pour les
aménagistes forestiers en quête d’un aménagement forestier écologique et du
maintien des forêts mixtes. © 2008 UQAM tous droits réservés.