Si vous avez déjà fait une randonnée près d’un cours d’eau, vous avez probablement déjà remarqué des souches d’arbres abattus se terminant en forme de cône. Le sculpteur responsable? un gros rongeur à queue plate, le castor du Canada (Castor canadensis); c'est d'ailleurs l'emblème de notre pays. Ce vendredi, le 7 avril, marque la journée internationale du castor. C’est donc le temps de souligner cette extraordinaire espèce clé et les services qu’il rend à nos écosystèmes.
Le castor tient beaucoup de rôles dans la forêt boréale, dont celui d’ingénieur d’écosystème. Il crée de nouveaux habitats en construisant des barrages qui augmentent le niveau de l’eau. Les impacts de ces barrages donnent bien du fil à retordre à plusieurs industries et propriétaires d’infrastructures. Le castor est la seule espèce animale, autre que l’humain, qui est capable d’abattre un arbre mature. On pense bien connaître cet agent de perturbation, mais lorsque vient le temps de mitiger des conflits l’impliquant de façon éthique et durable, on s’aperçoit qu’il existe toujours un manque de connaissances sur les façons dont il occupe son territoire.
Un agent de perturbation que nous observons de près à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)
Le castor se retrouve présentement comme thème central de plusieurs recherches menées par des membres du Centre de recherche sur la forêt. Parmi celles-ci, le projet de maîtrise de Mélanie Arsenault, réalisé au sein du groupe de recherche en écologie de la MRC Abitibi (GRÉMA) de l’UQAT. Il vise à démystifier un peu plus la dynamique d’occupation du territoire par cette espèce clé en contexte de forêt boréale et tempérée. Sous la direction de Miguel Montoro Girona et de Guillaume Grosbois, cette recherche utilise des observations en nature, des relevés de données dendroécologiques d’arbres broutés, ainsi que des analyses d’isotopes stables pour gruger plus creux dans le sujet.
Dans sa thèse de doctorat, Mariano Feldman a quant à lui examiné l’utilisation des étangs de castors par les amphibiens, les oiseaux et les mammifères dans le Nord-du-Québec, et les a comparés à celle des tourbières. Les résultats de l’étude ont montré que les étangs de castors sont davantage utilisés comme habitat de reproduction par les amphibiens, car ils sont peu profonds, moins acides et qu’il y a moins de poissons prédateurs.
Une grande partie de la composition de la forêt boréale que nous connaissons aujourd’hui est le résultat de la succession d’espèces végétales qui ont prospéré dans les trouées de la canopée laissée par les castors. Leurs modifications du milieu influencent la structure des peuplements végétaux et façonnent l’hétérogénéité du paysage. En érigeant des barrages et des étangs, les castors créent de nouveaux milieux humides. En résidant à l’intersection du milieu aquatique et forestier, les castors multiplient les interactions entre ces deux écosystèmes et enrichissent la biodiversité de la forêt boréale.
Un allié à ne pas mépriser
Les changements climatiques que nous vivons actuellement nous démontrent que la forêt tempérée migre lentement vers le nord, entraînant un agrandissement de l’habitat du castor. On peut donc s’attendre à un accroissement des populations de cet animal dans un avenir proche.
En apprendre davantage sur les façons dont les castors occupent leur territoire aiderait à découvrir de nouvelles stratégies pour mitiger ces conflits de manière plus humaine. Les castors offrent des services inestimables à leur écosystème. Ils sont de véritables alliés dans la lutte contre les changements climatiques. Les étangs qu’ils créent sur une rivière retiennent l’eau, ralentissent le courant et remplissent les réservoirs d’eaux souterraines, assurant une réserve d’eau plus stable tout au long de l’année. Les milieux humides ainsi créés deviennent d’excellents refuges lors du passage d’un feu de forêt et augmentent la biodiversité en fournissant de nouveaux habitats propices à de nombreuses espèces. Nous avons tout à gagner à approfondir nos connaissances sur ses stratégies de sélection d’habitats. Nous pourrions mieux apprendre à coexister en harmonie avec lui afin de continuer de bénéficier des précieux services qu’ils rendent à l’environnement ... sans aucune rémunération.
Un texte de Mélanie Arsenault avec la collaboration de Mariano Feldman