Les perturbations naturelles rencontrées en forêt boréale créent des conditions variables d'installation et de développement des semis où l'intensité lumineuse peut jouer un rôle important. L'effet d'un gradient de lumière sur la réponse fonctionnelle des semis est assez bien connu. Par contre, l'effet simultané de la lumière et de la hauteur des semis l'est beaucoup moins et les connaissances à ce sujet sont fragmentaires, voire contradictoires. Dans un contexte où l'aménagement forestier vise à imiter les processus naturels, une connaissance approfondie des facteurs qui influencent l'installation et le développement des semis préétablis permettra d'adapter ou de raffiner les interventions sylvicoles présentement utilisées.
Les effets simultanés d'un gradient de hauteur (30 à 350 cm) et de lumière (2 à 90%) ont tout d'abord été évalués sur la croissance et la morphologie de la cime d'épinettes, de pins et de sapins échantillonnés en Colombie-Britannique et au Québec. Les résultats montrent que la hauteur et les classes de lumière ont interagi de façon significative sur les variables étudiées. À des intensités lumineuses supérieures à 10 ou 25 pourcent de pleine lumière (selon les espèces), la croissance en hauteur et en diamètre des sapins et de l’épinette de l’intérieur augmentait avec la hauteur et l'intensité lumineuse. À des intensités lumineuses moindres, la croissance demeurait constante le long du gradient de hauteur, ce qui limiterait la diminution de la tolérance à l'ombre dû à l'augmentation de la taille. Ces effets de la hauteur pourraient influencer la dynamique de la banque de semis.
L'étude de l'allocation en biomasse de ces semis suggère que la diminution de la tolérance à l'ombre avec la taille serait irrégulière où celle-ci décroît rapidement jusqu'au premier mètre pour ensuite diminuer plus lentement par la suite. Cette conclusion correspond aux estimations faites à partir d'un modèle de bilan de carbone présenté dans la littérature. En termes écologiques, les semis de moins de 1 m traverseraient une période de grande mortalité due à un manque de lumière. Seul le patron d’allocation en biomasse du pin différait de celui des autres espèces. Les différences de tolérance à l’ombre rapportées pour le sapin et l’épinette seraient alors associées à d’autres acclimatations à l’ombre.
Suite à l'éclaircie, la hauteur des semis avait une forte influence sur la croissance aérienne et souterraine des semis d'épinettes, de sapin et de sapin Douglas. À la première saison de croissance suivant la coupe, les grands semis s'ajustèrent plus fortement aux nouvelles conditions de croissance en favorisant leur croissance racinaire aux dépens de celle du tronc. Les grands semis nécessiteraient alors un plus grand ajustement de leur système racinaire afin de soutenir une forte demande en ressources du sol. La croissance des semis augmentait également avec leur taille. Ceci pourrait être relié aux conditions particulières rencontrées en forêts de feuillus intolérants où l’intensité de lumière augmente rapidement avec la distance au sol.
D'une région à l'autre, les espèces d'un même genre avaient la même réponse aux gradients de lumière et de hauteur. Une comparaison avec des études comparables de par le monde montre que les autres espèces de ces genres répondent de la même façon à un gradient de lumière. Cette généralité dans la réaction des semis ouvre la porte à un cadre de travail théorique où l'on pourrait arriver à des généralisations à partir d'informations trouvées ailleurs. De telles généralisations devront cependant tenir compte des facteurs qui limitent la croissance des semis car une telle différence pourrait modifier la réponse des semis à la lumière. © 2002 UQAM tous droits réservés.