L'impact de la fragmentation générée par les coupes forestières sur les
communautés d'oiseaux en zone boréale semble plus difficile à constater que dans les
paysages agricoles et périurbains de la zone tempérée. Nous avons étudié les effets
liés à la taille, la forme et l'isolement des habitats résiduels en pessière noire à
mousses (nord-ouest du Québec, Canada), sur huit espèces d'oiseaux de forêt mature,
dans un territoire fortement morcelé par les coupes. Les espèces ont été sélectionnées
en fonction de leur sensibilité à la fragmentation des habitats ; sept espèces montrant
une réponse négative ; une espèce répondant de façon positive. La réponse des
espèces a été analysée en déterminant leur occurrence (160 points d'écoute) et la
productivité des groupes familiaux (233 transects) dans les habitats résiduels (bandes
riveraines, îlots, séparateurs de coupe) de territoires aménagés couvrant une
superficie de 4700 km². Pour les sept espèces potentiellement désavantagées par la
fragmentation, les hypothèses supposent que l'occurrence et la productivité diminuent :
1) plus la taille de l'habitat résiduel est faible ; 2) plus la distance entre l'habitat résiduel
et les massifs forestiers est grande. Pour la huitième espèce, le Mésangeai du
Canada, Perisoreus canadensis, prédateur généraliste et opportuniste potentiellement
avantagé par la fragmentation, les hypothèses sont inversées. Nos résultats indiquent
une absence d'effet sur l'occurrence de chaque espèce en fonction des variables de
taille, de forme et d'isolement des habitats. Par contre, l'abondance cumulée de sept
espèces associées aux forêts matures diminue significativement en fonction de
l'éloignement au massif forestier et avec l'augmentation de la proportion de couvert de
4 m et moins dans un rayon d'un km, soit deux variables d'isolement des habitats
résiduels. L'activité reproductrice (nombre d'individus par groupe familial) indique plus
spécifiquement que le Roitelet à couronne dorée, Regulus satrapa, le Grimpereau
brun, Certhia americana, et le Mésangeai du Canada, P. canadensis, sont sensibles à
l'isolement. La productivité de C. americana diminue avec l'augmentation de la
distance au massif, alors que celle de R. satrapa augmente avec la proportion de
couvert mature dans un rayon d'un km, une fois contrôlée la densité locale de résineux
dans la strate de 17 m et plus. Sur un sous-échantillon de 88 sites véritablement isolés
(échantillon «îlots»), la productivité de R. satrapa diminue avec l'augmentation de la
distance entre l'habitat et le massif forestier. Au contraire, l'isolement avantage P.
canadensis: le nombre d'individus au sein des groupes familiaux augmente en fonction
de la distance au massif forestier. Nos résultats suggèrent que les populations
d'oiseaux associées aux forêts boréales matures montrent une certaine tolérance à la
fragmentation du couvert. Toutefois, comme le soulignent les résultats pour R. satrapa
et C. americana, la productivité de ces espèces est affectée par l'isolement des
habitats aux massifs forestiers, un problème posé par la juxtaposition continue de
chantiers de coupe totale en forêt boréale. © 2004 UQAM tous droits réservés.