La créosote représentait l’un des agents de préservation du bois les plus efficaces depuis le 19eme siècle jusqu’à son interdiction en 2011. Elle est reconnue par sa grande toxicité. La créosote est classée comme cancérigène de catégorie 2 en raison de sa teneur (90 %) en hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAPs), notamment le benzo(a)pyrène avec une concentration supérieure à 50 ppm (partie par million). Au Canada, 4,5 millions de mètre cube de bois traités à la créosote sont mis hors service annuellement, ce qui représente 29 % de la totalité des déchets de bois disponibles. Plusieurs menaces émanent de ces déchets, dont principalement: la dispersion des HAPs dans l’environnement, la contamination des nappes phréatiques et la pollution atmosphérique. La valorisation énergétique par cogénération du bois traité à la créosote est une alternative intéressante. Cependant, la concentration des HAPs dans les émissions de gaz, exprimée en équivalent toxique du benzo(a)pyrène, est assujettie à la loi sur la qualité de l’environnement (LQE), où la valeur seuil tolérée est égale à 0,0009 μg/m³. L’objectif principal de ce travail est d’évaluer le potentiel du procédé de la pyrolyse du bois contaminé à la créosote dans la dégradation des HAPs ou la réduction de la concentration de ces derniers dans la phase liquide. Plus spécifiquement, le projet vise à déterminer les effets de la température de pyrolyse et de la granulométrie de la matière première sur la concentration des HAPs dans le biochar et les gaz. Dans un premier temps, une caractérisation des propriétés thermochimiques du bois créosoté est effectuée en utilisant une analyse thermogravimétrique (ATG) couplée à une analyse de chromatographie en phase gazeuse-spectroscopie de masse (GC-MS) pour optimiser les paramètres de pyrolyse. Les dix-huit HAPs prioritaires par l'Agence américaine pour la protection de l'environnement (naphtalène, 2-methylnaphtalene, 1-methylnaphtalene, acénaphtène, acénaphtylène, acénaphtylène, fluorene, phénanthrène, anthracène, fluoranthène, pyrène, benzo(a)anthracène, chrysene, benzo(k)fluoreanthene, benzo(b)fluoranthène, benzo(a)pyrène, indeno(1,2,3-c,d)pyrène, dibenzo(a,h)anthracène, benzo(g,h,i) perylene) ont été identifiées par chromatographie à phase gazeuse.
Dans un deuxième temps, la pyrolyse du bois créosoté a été réalisée en deux étapes. Dans la première étape, trois granulométries [G1 (2 - 2,8 mm), G2 (1,4 - 2 mm) et G3 (1 - 1,4 mm)] et trois températures de pyrolyse (300, 400 et 500 °C) ont été évaluées en utilisant un prototype de four muni de deux condensateurs et un filtre des HAPs. Dans la deuxième étape, les différents types de biochar ainsi obtenus ont été traités thermiquement à une température de 800 °C pendant 1h pour assurer une dégradation complète des HAPs. Les résultats ont montré que la concentration totale des HAPs dans le biochar dépend à la fois de la température de pyrolyse et de la granulométrie de la biomasse. Elle diminue avec l’augmentation de la température dans le cas de G1. Cependant, dans le cas de G2 et G3, la concentration totale des HAPs augmente de 300 à 400 °C, mais diminue à 500 °C dans le biochar. Dans le cas du benzo (a) pyrène, le composant le plus problématique selon l’EPA, la concentration diminue de 50 % entre 300 et 400 °C et augmente légèrement à 500 °C pour G1. Pour G2, la variation de la concentration est moins importante avec la température de pyrolyse, Cependant, une augmentation proportionnelle à la température est observée pour G3 de 16 à 26 % entre 400 et 500 °C. Les résultats des analyses des gaz montrent que le pourcentage des HAPs dépend aussi de la température de pyrolyse et de la granulométrie de la matière première. Pour G3, on note l’absence totale des HAPs quelle que soit la température de pyrolyse. Pour G1, les HAPs sont absents à 300 et 400 °C et augmente de 40 % à 500 °C. Alors que pour G2, les HAPs sont absents seulement à 300 °C et augmentent de 89 % et 40 % à 400 et 500 °C, respectivement. En considérant un rendement élevé en biochar et la qualité des gaz émis, la première partie du projet nous a permis de conclure que les meilleures conditions de pyrolyse du bois traité à la créosote sont des températures de 300 et 400 °C et une granulométrie grossière G1 (2 - 2,8 mm). Cependant, la concentration des HAPs au niveau du biochar dépasse les limites tolérées pour l’environnement. Alors que le traitement du biochar à haute température (800 °C) a permis d’avoir un produit final exempt des HAPs et par conséquent sécuritaire pour l’environnement.