Les conifères sont parmi les essences les plus exploitées au Québec grâce à la qualité de leurs bois. La transformation de ce bois suite aux activités de sylvicultures et de sciage génère des quantités grandissantes de biomasse forestières résiduelles (BFR). Le système actuel d’approvisionnement de ces résidus est davantage adapté à la filière énergétique. Le déchiquetage et le broyage sur les aires d’ébranchages sont des pratiques souvent utilisées pour maximiser les charges utiles lors du transport. Bien que bénéfiques pour certaines applications, ces pratiques sont accompagnées par des pertes et des transformations de certains composés des huiles essentielles (HE) déjà instables. Ceci cause une variabilité sur la qualité et la productivité en HE lors de l’extraction. Dans le but de valoriser la BFR en HE, ce projet vise à évaluer l’impact de l’ajout de nouvelles étapes de prétraitement dans la chaine logistique d’approvisionnement de la BFR sur la quantité et la qualité des HE ainsi que l’efficacité des procédés d’extractions. Trois essences de conifères ont été étudiées : l’épinette noire (Picea mariana Mill.), le sapin baumier (Abies balsamea) et le pin gris (Pinus banksiana). Dans un premier temps, la BFR de chacune des essences a subi quatre types de prétraitement : (i) le déchiquetage (ii) le broyage (iii) la densification par granulation et (iv) la densification par mise en fagots. Ensuite l’extraction des HE a été effectuée par hydrodistillation. Le but étant d’évaluer l’effet des différents traitements sur la quantité et la qualité des HE. L’évaluation de l’effet du vieillissement (BFR fraichement récoltée, après une semaine, après 3 semaines) et l’extraction des HE par une deuxième méthode d’extraction (entrainement à la vapeur) de la BFR densifiée en fagots ont été effectuées. Dans un second temps, l’analyse des HE obtenues a été évaluée par la chromatographie à phase gazeuse couplée à une spectroscopie de masse GC/MS qui permet d’identifier et de quantifier les composés chimiques dans les HE. Ensuite, les pouvoirs antibactériens et antioxydants ont été testés pour les HE obtenus pour chaque type de prétraitement. La comparaison entre les rendements en HE a montré une corrélation avec l’essence utilisée. Pour le sapin baumier, la densification en fagots a entrainé une amélioration du rendement en HE de l’ordre de 68 %, 83 %, 93 % par rapport à la BFR déchiquetée, broyée et densifiée en granules, respectivement. Pareillement, pour le cas de l’épinette noire une augmentation du rendement de l’ordre de 14 % et 24 % a été notée par rapport à la BFR broyée et densifiée en granules, respectivement. De plus, la mise en fagots de la BFR du pin gris a montré une augmentation de 26 % du rendement par rapport à la granulation. Pour ce qui est de l’entrainement à la vapeur, seule la densification en fagots a été étudiée puisqu’elle a donné les meilleurs rendements pour le premier procédé d’extraction. En effet, la distillation par entraînement à la vapeur a engendré une augmentation du rendement de 32 % pour le sapin baumier et 24 % pour l’épinette noire et le pin gris mis en fagots. Le vieillissement de la biomasse a causé des pertes en HE de l’ordre de 24 % et 45 % pour le sapin baumier, 6 % et 47 % pour les HE de l’épinette noire et 12 % et 38 % pour les HE du pin gris par rapport à la BFR fraichement récoltée après une semaine et trois semaines de la récolte, respectivement. L’analyse par GC/MS montre que l’extraction par hydrodistillation est le procédé le plus approprié, en ce qui a trait à la concentration des HE en hydrocarbures monoterpéniques. En effet, le sapin baumier montre une diminution de 30 % de la concentration du limonène suite à l’extraction par entrainement à la vapeur comparée à l’hydrodistillation. L’épinette noire et le pin gris, fortement concentrées en α-pinène, montrent une diminution de l’ordre de 33 % et 22 %, respectivement. Le dosage des phénols totaux a révélé que les HE de l’épinette noire et pin gris extraites par entrainement à la vapeur sont riches en composés phénoliques. Cette richesse est expliquée par leurs fortes capacités de réduire l’oxyde de fer (II), FeO, en oxyde de fer (III), Fe2O3. L’extraction par entrainement à la vapeur a entrainé une amélioration du pouvoir de réduction ferrique de 23 % pour l’épinette noire et de 75 % pour le pin gris. Contrairement aux procédés d’extractions, la densification de la BFR en fagots n’a pas d’effet sur les propriétés antioxydantes des HE. Les huiles extraites de l’épinette noire ont montré les meilleures propriétés antibactériennes face aux trois souches (Staphylococcus aureus, Escherichia coli et Salmonella typhimurium) à la suite de l’extraction par hydrodistillation. Les diamètres d’inhibition de Staphylococcus aureus, Escherichia coli et Salmonella typhimurium sont de l’ordre de 30 ± 0,2 mm par rapport aux trois souches. La mesure de la concentration minimale inhibitrice et bactéricide a donné des concentrations variantes entre 24 μg/μl et 40 μg/μl. Ces valeurs représentent la concentration minimale en HE permettant l’inhibition des souches précédemment mentionnées. Grâce à leurs richesses en composé phénolique les HE du pin gris extraites par entrainement à la vapeur ont montré des diamètres d’inhibitions vis-à-vis aux Staphylococcus aureus, Escherichia coli et Salmonella typhimurium élevés de l’ordre de 24 ± 2 mm, 20,33 ± 1,2, 12 ± 2, respectivement. L’analyse statistique effectuée dans cette étude (ANOVA) a montré qu’il y a une forte interaction entre les trois facteurs : le type d’essence, les méthodes d’extraction et le prétraitement de la BFR en fagots. La densification de la BFR sous forme de fagots est un prétraitement capable d’améliorer la productivité des HE et préserver leurs propriétés antioxydantes et antibactériennes.