En Amérique du Nord, la perte nette d’habitats forestiers et la fragmentation de ce qui
subsiste en forêts résiduelles induit par le développement agricole, résidentiel et urbain ont
passablement affecté la diversité biologique des écosystèmes forestiers tempérés feuillus. En
forêt boréale, l’augmentation importante des aires de coupes forestières au cours des deux
dernières décennies est un autre type de perturbation humaine qui change la configuration des
paysages forestiers. L’aménagement forestier couplé au défrichement passé d’une partie de la
forêt boréale à des fins agricoles génèrent dans le paysage forestier une multitude d’habitats
de lisières qui sont susceptibles d’influencer la distribution de l’avifaune forestière.
Récemment, plusieurs études ont examiné les effets de l’augmentation d’habitats de lisières
dans les forêts fragmentées tempérées sur (1) le succès de reproduction des oiseaux de même
que sur (2) les taux de prédation (nids naturels et artificiels) et de parasitisme du Vacher à
tête brune (Molothrus ater) dans les parcelles forestières exposées. Ces études ne convergent
pas nécessairement vers une réponse simple quant aux effets de l’augmentation des habitats
de lisières.
En forêt boréale, les perturbations naturelles (feux de forêt, épidémies d’insectes) ouvrent le
territoire forestier et créent sur de grandes superficies de nombreux habitats de lisière. Il
devient important, dans ce contexte, de comparer les habitats de lisière qui résultent des
perturbations humaines (coupes forestières et activité agricole) à ceux qui sont générés par les
perturbations naturelles quant à leurs effets sur la distribution de l’avifaune et le risque de
prédation des nids. Mon projet de recherche visait à déterminer comment les habitats de
lisière influencent l’activité reproductrice des oiseaux forestiers et le risque de prédation en
forêt boréale mixte en comparant les lisières boisées d’origine naturelle et anthropique. Des
points d’écoute et de la repasse de cris de houspillage «mobbing call» de la Mésange à tête
noire (Poecile atricapillus) ont été utilisés en lisière et en forêt afin de déterminer
l’occurrence et les indices d’activité reproductrice des espèces d’oiseaux tandis que la
variation du risque de prédation a été mesurée au moyen d’un suivi de nids artificiels.
Seule une espèce aviaire associée aux forêts matures sur les 15 inventoriées montre une
sensibilité à l’effet de lisière, le Roitelet à couronne dorée (Regulus satrapa), dans les deux
paysages anthropiques. De plus, les taux de prédation en lisière ne sont pas plus élevés que
ceux retrouvés dans la matrice forestière pour les trois paysages à l’étude. Les taux de
prédation dépendent plutôt du type de paysage et de la dissimulation des nids artificiels. En
effet, les paysages anthropiques montrent des taux de prédation plus élevés que ceux du
paysage naturel. De plus, les taux de prédation des nids artificiels augmentent avec leur degré
de dissimulation, ce qui suggère que les principaux prédateurs, soit les prédateurs
mammaliens olfactifs, seraient plus abondants dans les forêts dont les sous-bois sont mieux
développés, comme c’est le cas de nos sites dans le paysage forestier. Ces résultats ont été
comparés à ceux d’autres études en forêt boréale afin de comparer les effets des différentes
variables explicatives sur la distribution de l’avifaune et sur les risques de prédation de cet
écosystème. © 2002 UQAM tous droits réservés.