Les aménagements forestiers ont une influence importante sur les bilans de carbone (C) des forêts boréales et leur potentiel d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre. La compréhension du cycle du C forestier, notamment celle des transferts de C entre le bois mort et le sol, est nécessaire à l’adoption d’aménagements forestiers visant l’atténuation des changements climatiques. Les objectifs de cette étude étaient de déterminer l’évolution de la taille absolue et relative des réservoirs de C forestiers dans le temps depuis la coupe et d’estimer les échanges de C s’opérant entre eux. Une chronoséquence comprenant 36 placettes de coupe par tronc entier aux caractéristiques écologiques homogènes a été établie dans une sapinière boréale humide de l’est du Canada. Nous nous attentions à ce que le bois mort 1) contienne une part importante du C de l’écosystème, 2) que son accumulation dans le temps suive un patron en forme de «U» et 3) qu’il participe à enrichir les réserves de C sous forme de bois enfoui. Les résultats confirment ces hypothèses et révèlent que la répartition du C écosystémique total est de 57% dans le sol minéral, 23% dans la biomasse vivante et 20% dans la biomasse morte (c.à.d. bois mort et horizons LFH). Les stocks de C de bois mort sont d’environ 37 Mg C ha-1 et s’accumulent dans le temps selon un patron en forme de «boomerang», tandis que le sol contient environ 156 Mg C ha-1 et demeure stable dans le temps. La séquestration de C du peuplement augmente rapidement dans les premiers stades de succession puis se stabilise vers 50 ans à 250 Mg C ha-1, après quoi elle augmente faiblement. Les résultats suggèrent que le C du bois mort ne contribue pas significativement à la formation de la matière organique stable du sol et qu’il est principalement transféré dans le réservoir de bois enfoui. Une fois décomposé, le C du bois mort enfoui est probablement en grande partie respiré à l’atmosphère et, en plus faible partie, évacué sous forme de C organique dissous dans le réseau hydrique. Cependant, le destin ultime du carbone du bois mort dans l’écosystème demeure mal compris, c’est pourquoi de plus amples recherches sont nécessaires en ce domaine. Nous recommandons de fixer la durée de la rotation à 50 ans ou au-delà, de favoriser la rétention du bois mort sur le site, d’inclure le bois enfoui dans l’inventaire de bois mort et de protéger les horizons organiques et minéraux du sol lors de l’aménagement.