S`inspirer des perturbations naturelles (Aménagement écosystémique) tels que les feux pour l’aménagement des forêts publiques au Québec est une piste qui a été approuvée récemment par le gouvernement. La présente thèse fournit une partie de l’information susceptible d’aider les gestionnaires dans la mise en œuvre de ce type d’aménagement. Elle a pour objectif de comparer des territoires issus de feux et de coupes forestières à une grande échelle spatiale afin de mettre en évidence les similitudes et les divergences quant à la composition et la configuration spatiale des habitats résiduels ainsi qu’à la dynamique de la fermeture des peuplements après ces types de perturbations. L’étude a été menée en pessière noire à mousses de l’Ouest du Québec des régions écologiques 6a, 6b, 6c et 6d. Des images satellites de type Landsat TM déjà classifiées des années 1985, 1995, 2000 et 2005 (Valeria et al. 2008), de même qu’une base de données des feux et une couverture écoforestière SIFORT ont été utilisées pour cette étude.
Dans le premier chapitre, une caractérisation de la composition et de la configuration spatiale des feux a permis de dégager un portrait spatial des paysages brûlés et aussi de mettre en évidence l’importance des conditions physiographiques sur la création des habitats résiduels (HR). La caractérisation a été faite à l’aide de 10 indices spatiaux tirés de FRAGSTATS pour 33 grands feux de taille (> 2 000 ha). Pour les besoins de l’étude, les 48 classes originales des images satellites ont été regroupées en 5 classes: Des Habitats brûlés, des Habitats résiduels, des Milieux humides, de l’Eau et Autres. Les caractéristiques spatiales des feux telles que définies par 10 indices spatiaux et les conditions météorologiques des feux ont été soumises à une analyse en composante principale (ACP).
Les résultats ont montré qu’en moyenne 10% d’habitats résiduels sont épargnés par les feux avec un maximum de 22%. Les feux survenus sur les basses terres de la Baie James seraient plus sévères que ceux qui ont eu cours sur le bouclier canadien et ceci semble être associé à des conditions météorologiques plus extrêmes qui provoquent le brûlage mêmes des milieux humides. Les coupe-feux naturels tels que les plans d’eau favoriseraient la création des HR. Les landes résineuses à fond de mousses apparaissent parmi les types de couverts les plus surreprésentés dans les HR.
Le deuxième chapitre traite la comparaison des patrons spatiaux des habitats résiduels observés dans les feux à ceux observés dans les coupes en pessière à mousses de l’Ouest du Québec. Trente-trois paysages de feux dont la taille varie de 2 000 à 52 000 ha ont été reproduits dans autant de secteurs de coupes. Une analyse spatiale relative à la composition, à la configuration et à la fragmentation des HR a été réalisée avec FRAGSTATS 4.1. Les caractéristiques des paysages issus de feux et de coupes ont été caractérisées spatialement et comparés par des tests de student.
En utilisant les 5 classes de couvert précédemment définie au chapitre 1, les résultats indiquent que les feux laissent moins d’habitats résiduels que les coupes (en moyenne 12,1% pour les feux versus 20,4% pour les coupes). Cependant, quand on applique pour les coupes un regroupement en 6 classes dans lequel on sépare les HR de type résineux des autres habitats de type feuillus et mélangés, le taux des HR de type résineux des coupes serait similaire à celui des feux (11,8% vs 12,1%). Bien que la taille des feux et des coupes soit la même, la taille moyenne des HR, l’indice du plus grand fragment et le nombre de fragments (NP) apparaissent plus importants dans les feux que dans les coupes sans que ces différences soient statistiquement significatives. La distance moyenne du plus proche fragment et l’indice d’interspersion et de juxtaposition (IJI) sont les seuls indices qui diffèrent significativement entre les feux et les coupes. La distance entre les fragments d’HR est plus petite dans les paysages issus de feux comparée à celle constatée dans les paysages issus de coupes (94 vs 118 m) et les fragments semblent moins dispersés dans les feux (IJI = 43) que dans le cas des coupes (IJI = 65). Les HR des feux sont composés d’une plus grande variété de types de couverts comparativement aux HR laissés après coupes.
Quant au troisième chapitre, il traite de la comparaison de la revégétalisation post perturbation de 22 paysages de feux sélectionnés parmi les 33 paysages de feux du chapitre 1 et de 14 paysages de coupes délimités manuellement sur les images. L’analyse consiste à voir si les paysages coupés se régénèrent au même rythme que les paysages brûlés. Nous désirions aussi vérifier si le succès de régénération est conditionné par la composition du couvert d’origine ou le type dépôt de surface. Le suivi de la revégétalisation a été réalisé par la comparaison d’images satellites et illustré par des vecteurs de succession. L’état du couvert avant perturbation et le type de dépôt de surface ont été tirées de la base des données écoforestières (SIFORT). Le succès, avec lequel le couvert se reconstitue après perturbation, est quantifié dans des matrices de transition.
Au départ, lorsqu’on compare des coupes à des feux du même âge, les coupes apparaissent en avance sur les feux quant au degré de maturation globale du couvert végétal. Dans l’ensemble, les feux montrent un taux de revégétalisation du stade jeune plus faible que celui observé dans le cas des coupes. Toutefois, en ne considérant que la fraction productive des aires de feux (selon SIFORT), le taux de revégétalisation apparaît comparable entre les deux types de perturbations.
Nous avons trouvé que les feux surviennent donc dans des couverts plus hétérogènes que les coupes si bien que plusieurs superficies brûlées étaient non-forestières avant feu. Ceci nous permettrait de penser que les accidents de régénération constatés dans les aires de feux seraient davantage attribuables à la nature non-productive du territoire avant le feu qu’aux effets du feu lui-même.
En conclusion, les feux en pessière à mousses du Québec se caractérisent par une sévérité variable selon les conditions météorologiques et les conditions physiographiques spécifiques à chaque évènement. La proportion des HR épargnés par les feux varie d’un feu à un autre. Ils sont créés par les coupe-feux comme la présence de plans d’eau et constitués majoritairement de landes forestières. En comparaison avec les HR générés par les coupes, nos résultats montrent qu’ils sont similaires en quantité, mais de configuration spatiale différente. La fermeture de la canopée post coupe apparaît plus rapide en raison de la régénération préétablie qui est souvent préservée après la coupe. De plus, les coupes s’opèrent exclusivement en milieux forestiers productifs, alors que les feux brûlent tous les types de milieux forestiers ou non en autant qu’il y ait du combustible.