Projet de recherche :

Transmission des savoirs et des pratiques ethnobotaniques autochtones : étude de cas du bleuet (minic) auprès des Atikamekw Nehirowiskwewok (femmes Atikamekw) de Wemotaci

Les savoirs, les cultures et les identités autochtones sont étroitement liées à l’occupation et à l’utilisation du territoire d’appartenance. Pour bien comprendre comment se vit le lien au territoire et comment il peut être affecté par les changements environnementaux, il importe d’en documenter toutes les facettes. C’est dans cette optique que ce mémoire avait pour objectif de décrire et d’analyser la transmission des valeurs, des savoirs et des pratiques autochtones concernant le bleuet (minic) au sein de la communauté atikamekw nehirowisiw de Wemotaci (Haute-Mauricie, Québec, Canada), particulièrement chez les femmes. Le cadre conceptuel de ce mémoire se fonde sur les notions de système de savoirs, d’espèce culturelle clé, de dwelling place et de paysage culturel. Dans une démarche collaborative, c’est par un séjour estival dans la communauté atikamekw nehirowisiw de Wemotaci, que des données qualitatives ont été recueillies lors d’entrevues semi-dirigées et par de l’observation participante. L’étude révèle que le minic est un marqueur identitaire du peuple Atikamekw Nehirowisiw ainsi qu’un vecteur de valeurs humaines : partage, réciprocité et respect. Le bleuet contribue au bien-être et à la santé des membres de la communauté et du territoire, notamment en nourrissant plusieurs animaux, dont masko (l’ours) qui transmet les bienfaits du bleuet aux Atikamekw Nehirowisiwok via la consommation de sa viande, sa graisse et ses os. L’abondance de bleuets sur le territoire est alors signe de santé pour les êtres humains et non-humains. Par ailleurs, l’étude soulève plusieurs facteurs limitant à la fois la quantité, la qualité et l’usage des bleuets : les changements climatiques, les pratiques forestières intensives et la cueillette intensive au peigne. La transmission des savoirs et des pratiques liées à minic est alors elle aussi touchée par ces facteurs. La mobilisation, l’acquisition et la transmission des savoirs ethnobotaniques en contexte atikamekw nehirowisiw se font selon des voies de transmission distinctes et complémentaires. Ces étapes peuvent se faire de façon intrafamiliale, interfamiliale ou dans le cadre scolaire : par les enseignant·e·s et entre les jeunes d’un même génération également. L’étude révèle une complémentarité entre la transmission familiale et scolaire des savoirs liés à minic à Wemotaci. Il faut cependant considérer une distinction entre certains savoirs dits « communs » (partagés largement au sein de la communauté, ex. confection de la pâte de bleuets) et « spécifiques » (détenus et transmis au sein d’une famille ou entre quelques personnes seulement, ex. utilisations médicinales des plantes). À Wemotaci, le bleuet contribue au développement économique communautaire puisqu’une partie de la collecte annuelle est vendue sans transformation, majoritairement à l’extérieur de la communauté. Au sein de la communauté, le bleuet est consommé et transformé en pâte de bleuets, qui est un mets important au sein de la culture atikamekw nehirowisiw. Une entreprise locale (Osekwan minic), lancée par et pour les femmes de la communauté, se spécialise dans la fabrication et la vente de pâte de bleuets, essentiellement pour les membres et institutions de la communauté (ex. écoles, centre de santé).