La paludification est un phénomène répandu dans les régions froides soumises à des précipitations relativement importantes. En pessière à mousses, de telles conditions limitent la décomposition de la matière organique accumulée au sol. Ce phénomène est accentué dans la région de la ceinture d’argile qui présente une topographie relativement plane et des dépôts d’argiles glaciolacustres compacts mal drainés favorisant la rétention d’eau. L'épaisse couche de matière organique accumulée peut être réduite par l'action du feu, perturbation fortement dépendante du climat. Cependant, l’influence des incendies sur la dynamique de la paludification reste à approfondir afin de mieux appréhender les répercussions d’un changement du régime des incendies, induit par les changements climatiques en cours. Cette étude paléoécologique vise à comprendre la dynamique de la paludification durant l’Holocène dans les pessières à mousses des basses terres de la baie de James. Nos objectifs sont de décrire la dynamique de paludification en lien avec la topographie, de dégager l’influence du feu sur l’accumulation de matière organique et de caractériser les relations qui existent entre les variables topographiques et les épaisseurs d’accumulation de matière organique. Nous avons prélevé 12 carottes de sédiments organiques le long de 3 gradients de la couche de matière organique (30 cm à 110 cm) accumulée sur de faibles pentes. Nous avons daté l’ensemble des carottes, notamment pour connaître l’âge du début de l’accumulation de matière organique. Les macrocharbons (> 250 ?m et > 1 mm) de l’ensemble des carottes ont été analysés à une résolution de 0,5 cm afin de dégager l’influence du feu. Nous avons effectué des relevés topographiques afin de connaître la configuration spatiale du sol minéral et de la couche organique accumulée sur nos sites d’étude. Les datations des bases des carottes révèlent une paludification rapide suite au retrait des eaux. En effet, sur deux des sites, l’entourbement semble avoir débuté vers 7680 cal. BP à la suite de la réduction des incendies dans la région. Le troisième site aurait commencé à accumuler de la matière organique suite au comblement d’un plan d’eau peu profond. Nous n’avons pas dégagé de modalité d’accumulation de la matière organique (endogène ou exogène) exclusive au bas ou au haut des toposéquences. La couche de matière organique accumulée en haut de pente semble cependant continuellement réduite par le passage récurant de feux sévères ou une forte décomposition. L’impact du feu sur la couche organique semble intimement lié à la position au sein de la toposéquence. Il semblerait que les accumulations de matière organique soient principalement influencées par la configuration locale du sol minéral de nos toposéquences. L’élévation relative et la microtopographie moyenne du sol minéral sont les deux variables qui expliquent le mieux les accumulations de matière organique le long de nos toposéquences. Les résultats de notre étude suggèrent qu’il serait préférable de partitionner le territoire en fonction d’ensembles topographiques plus ou moins susceptibles à la paludification lors de l’analyse des relations variables topographiques / accumulation de matière organique sur de grands territoires.