Projet de recherche : Structure clonale, diversité génétique et phylogéographie du peuplier faux-tremble (Populus tremuloïdes Michx) au Canada.
Introduction:
La diversité et la structure génétique des espèces arborescentes sont modulées par des facteurs historiques comme les migrations et le flux génique lors de la recolonisation postglaciaire ou encore des facteurs environnementaux comme les perturbations naturelles (climat, feux de forêts, sècheresse, insectes). Ces facteurs ont modelé, au cours du temps, la répartition spatiale de la diversité génétique des espèces clés des écosystèmes forestiers nord Américain. L’étude de la phylogéographie nous donnera l’évolution passée des flux géniques lors de la recolonisation postglaciaire ainsi que la répartition et l’origine (refuges) de la diversité génétique actuelle. L’analyse des relations liant la structure génétique aux dynamiques des perturbations naturelles s’avère être un enjeu majeur dans un contexte d’évolution climatique pour prédire la réponse des populations aux changements et pour amener de nouvelles données sur la gestion et la conservation des espaces naturels. Ce projet réalisé à l’échelle du continent Nord Américain et des écozones du Canada, vise à évaluer l’influence des facteurs historiques et environnementaux passés sur l’organisation actuelle de la structure génétique d’une espèce clé du continent le peuplier faux-tremble (Populus tremuloïdes).
Objectifs:
- Étudier les dynamique régionale de recolonisation postglaciaire dans l'ouest de l'aire de répartition du Peuplier faux-tremble (corridor Alaska-Aspen parkland)
- Déterminer comment les régimes de perturbations naturelles et climatiques (feux de forêt, insectes, sécheresses) influencent l'organisation de la structure génétique et clonale à l’échelle du Canada
- Déterminer dans quelle mesure la variabilité génétique influence la réponse de croissance du peuplier Faux-tremble ?
Méthodologie:
Un réseau de 32 sites d’échantillonnage entre le Québec et la Colombie-Britanique a été mis en place (dans l'ouest en partenariat avec avec Ted Hogg au Service Canadien des Forêt à Edmonton) afin de prendre en compte la totalité de la variabilité climatique de la forêt boréale canadienne. Le choix des site se base sur des classes d’indices de sècheresse (Girardin and Wotton 2009) qui permettent de tenir compte de la variabilité climatique et des perturbations naturelles majeures comme les feux de forêt dont la fréquence et la sévérité sont corrélées avec les indices de sècheresse. Pour chacun des sites, 50 arbres sélectionnés aléatoirement dans un rayon de 50m ont été mesurés, cartographiés, et échantillonnés (écorce pour l’ADN et carottes) pour effectuer les analyses moléculaires et dendrochronologiques.
Pour l’analyse moléculaire, un total de 10 à 20 marqueurs microsatellites sera utilisé pour permettre de déterminer les caractéristiques génétiques de chaque population. Après génotypage de l’ensemble des arbres, la structure clonale de chacune des population (un population par site) sera déterminée grâce à un indice de diversité clonale modifié, le complément de l’index de Simpson et un indice d’uniformité clonale. Pour la structure génétique, l’hétérozygotie attendue (He), l’hétérozygotie observée (Ho), le nombre moyen d’allèles dans chaque site et la fréquence allèlique par locus étudié seront utilisés. Toutes ces données seront finalement croisées aux données dendrométrique, climatique et environnementale afin de comprendre quels sont les facteurs gouvernent l’organisation de la structure génétique des populations de peuplier faux tremble au Canada. Enfin, les analyses phylogéographique nous donneront un éclairage important sur les dynamiques des flux génique de recolonisation passées indispensable à l’interprétation et la compréhension l’organisation actuelle des populations.
Référence:
Girardin M. P. and Wotton, B. M.. 2009. Summer Moisture and Wildfire Risks across Canada. Journal of Applied Meteorology and Climatology, 48:517-533.
Namroud, M.C., Tremblay, F. & Bergeron Y. (2005a). Temporal variation in quaking aspen (Populus tremuloides) genetic and clonal structures in the mixedwood boréal forest in estern Canada. Ecoscience, 12 : 82-91.
Namroud, M.C., Park, A., Tremblay, F. & Bergeron Y. (2005b). Clonal and spacial genetic structures of aspen (Populus tremuloides Michx). Molecular Ecology, 14: 2969-2980.
Travaux précédents:
En 2009, pendant mon stage de d'école d'ingénieur, puis en 2011, j'ai travaillé avec Metla (Institut Finlandais de Recherche Forestière) sur un projet de recherche visant à améliorer les protocoles de cryopréservation de cultures embryogéniques de pin sylvestre (Pinus sylvestris L.) et d'épinette de Norvège (Picea abies). Le but de ce travail était, d'une part, d’étudier les effets de longues durées de cryopréservation et différents cryoprotecteurs sur la viabilité, la prolifération et la capacité de production d’embryons matures de lignées de pin sylvestre et d'autre part, de verifier la stabilité génétique des tissus embryogéniques de pin sylvestre et d'épinette de Norvège après de longues périodes de culture in vitro ou de conservation dans l'azote liquide. Ces premiers pas en recherche ont motivé ma poursuite au doctorat.
Endre Toth, Yves Bergeron, Mathieu Latutrie, Francine Tremblay. Novel insights into the genetic diversity and clonal structure
of natural trembling aspen (Populus tremuloides Michx.)
populations: A transcontinental study. 2019. J. of Biogeography 46(6):1124-1137
DOI : 10.1111/jbi.13574
Aim
Distribution?wide trends in climate variability significantly influence the genetic diversity, differentiation and population structure of tree species. This study investigates the effects of disturbances such as fire, fragmentation and climate on modern?day genetic patterns and clonal structures of trembling aspen at the transcontinental scale.
Location
North American boreal zone.
Taxon
Trembling aspen (Populus tremuloides Michx.).
Methods
One thousand two hundred individuals in a 30?site network (40 trees per location) were genotyped with neutral genetic markers and studied in relation to regional differences in climate and surrounding site conditions (aridity, fire cycle, fragmentation). Multiple linear regression models and variance analysis were used to test relationships between genetic indices, structural parameters and the surrounding site factors.
Results
Overall, a high percentage of single ramet clones (SRC) and clonal diversity was detected and assumed to be the consequence of multiple sexual reproduction events that took place at all sites, together with suckering, which shapes the clonal structure of populations. Neutral genetic diversity and clonal structure suggested no substantial differences among sites, which were categorized into climate moisture index (CMI) classes; aspen stands across Canada were highly similar from a genetic point of view. Allelic richness (AR) and the average number of alleles (Na) varied significantly among clonal organization groups, and landscape fragmentation and a higher frequency of fires showed a negative influence on the levels of genetic diversity.
Main conclusions
Our results are inconsistent with the idea that the genotypic diversity of trembling aspen is related to the intensity of disturbance within the boreal forest. It appears that species?specific disturbance responses and post?fire recruitment mechanisms are more important than dominant ecological factors, such as climate and fire regimes, in shaping distribution?wide patterns of neutral genetic variation and clonal structure.
Mathieu Latutrie. Structure clonale, diversité génétique et croissance radiale du peuplier faux-tremble au Canada. 2017. Thèse de doctorat en sciences de l'Environnement, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. 147 p.
La diversité et la structure génétique des espèces arborescentes sont influencées par des facteurs historiques comme les migrations et les flux géniques lors de la recolonisation postglaciaire ou encore des facteurs environnementaux comme les perturbations naturelles (climat, feux de forêts, sècheresse, insectes). Au cours du temps, ces facteurs ont modelé la répartition spatiale de la diversité génétique des espèces présentes dans les écosystèmes forestiers nord-américains comme le peuplier faux-tremble (ou tremble; Populus tremuloïdes Michx.). Ainsi la diversité génétique et la structure clonale du tremble peuvent varier en forêt boréale et dans la tremblaie-parc en fonction de facteurs tels que les conditions climatiques, les régimes de feux ou encore la fragmentation du paysage. De la même façon, la croissance radiale tend à être principalement influencée par les conditions environnementales propres à chaque site. Cependant, la composition génétique des arbres pourrait aussi jouer un rôle important dans les dynamiques de croissance, et aucune étude n’a encore évalué ces effets dans des peuplements naturels du peuplier faux-tremble. Cette thèse s’articule autour de trois chapitres dont les objectifs étaient: i) de comprendre les origines et les dynamiques de recolonisation du peuplier, ii) d’évaluer les variations régionales de diversité génétique et de structure clonale au Canada, et iii) de mesurer l’effet de la structure génétique des populations sur les variations de la réponse de croissance du peuplier.
Dans le chapitre 2, nous avons tenté s’identifier les zones refuges et les routes de la recolonisation postglaciaire à travers l’étude de la diversité et de la structure génétique des populations entre elles. En Amérique du nord, la dernière période glaciaire est l’évènement récent ayant eu le plus de conséquences sur la diversité génétique actuelle des espèces boréales. Un total de 28 populations a été échantillonné entre l’Alaska et la Saskatchewan. Nos résultats ont montré qu’il y avait peu à pas de différentiation génétique entre les populations de P. tremuloides sans signe d’isolation génétique avec la distance géographique dans la partie nord-ouest de son aire de répartition. Nous avons observé les valeurs les plus faibles d’hétérozygotie observée et les valeurs les plus élevées de richesse allélique au niveau du piémont des montagnes rocheuses de l’Alberta, une région qui pourrait être une zone d’admixture. Enfin, il n’y avait aucune évidence que la Béringie ou le Ice-free corridor aient été des zones refuges pour cette espèce.
Dans le chapitre 3, nous avons évalué les variations de diversité génétique et de structure clonale du tremble en relation avec les différences de conditions de site (aridité, feux de forêt, fragmentation). L’étude d’un réseau de 30 peuplements à travers la forêt boréale et la tremblaie-parc, nous a permis de montrer que le pourcentage de clones uniques et la diversité clonale élevée sont probablement causés par : i) la reproduction épisodique par graine en plus du drageonnement dans le cas où le peuplier était déjà présent, et ii) une auto-éclaircie des ramets intra clone plus fort avec le temps écoulé depuis le dernier feux. Nous avons aussi montré que la fragmentation du paysage et des taux de brulage élevés influencent négativement les niveaux de diversité génétique. La diversité génétique et la structure clonale des peuplements de tremble au Canada semblent être plus similaires à l’échelle continentale qu’on aurait pu le supposer avec aucun effet observé du climat. Le tremble apparaît comme étant une espèce généraliste avec une grande capacité d’adaptation maintenant de fort niveau de diversité dans des environnements variés et hétérogènes.
Dans le chapitre 4, nous avons examiné la contribution relative de la génétique (c.-à-d. la diversité clonale, l’hétérozygotie observée) et de l’environnement (c.-à-d. insectes, climat) sur la croissance du peuplier (évaluée par la corrélation moyenne de la croissance entre les arbres (RBAR), l’accroissement en surface terrière des arbres (T BAI) et la variabilité interannuelle de croissance (MS)). Pour cela, nous avons échantillonné 440 arbres dans 22 peuplements naturels en forêt boréale canadienne. La croissance annuelle de peuplements multi-clonaux était moins homogène que celle de peuplements monoclonaux. Le maintien de peuplements de peupliers diversifiés dans le paysage pourrait assurer d’avoir une grande variabilité de la réponse de croissance face aux variations environnementales, qui au final pourrait permettre une plus forte résilience des tremblaies dans des conditions climatiques futures.
Le tremble est une espèce qui livre petit à petit ses secrets. Longtemps laissé de côté et peu étudié en raison de sa facilité de régénération et d’un intérêt économique moindre par rapport aux conifères, son écologie et sa dynamique ne sont pas si simples. Cette thèse a contribué à révéler les bases de l’organisation et des dynamiques génétiques chez cette espèce-clé. Ainsi, cette étude apporte des informations sur l’histoire démographique de cette espèce depuis la dernière glaciation mais aussi sur les différences génétiques observées à travers la forêt boréale et les liens avec la croissance. Dans le futur, il serait bon de développer et d’utiliser une approche génomique et plus particulièrement les SNPs afin de valoriser ce jeu de données riche de diversité et représentatif de l’ensemble de la forêt boréale nord-américaine (du Québec à l’Alaska). Cela pourrait permettre de répondre à des questions telles que : i) y a-t-il des SNPs sous sélection dans certaines zones où les changements environnementaux et le dépérissement sont déjà forts (zone sud de la tremblaie-parc) ; ii) existe-t-il des gènes d’adaptation propres à des conditions environnementales définies (conditions climatiques, résistance aux insectes). D’un point de vue plus pratique, il pourrait être important de comprendre plus précisément : i) quels facteurs gouvernent l’apparition et la persistance d’individus triploïdes (présence de 3 copie du génome) dans le paysage ; ii) qu’apporte la triploïdie comme avantage pour le tremble (physiologie, compétition, croissance) ; iii) quel est le rôle de la triploïdie dans l’adaptation aux changements climatiques. Il y a donc encore de nombreux axes de recherche qui mériteraient d’être développés et exploités dans le futur.
Yves Bergeron, Mathieu Latutrie, Francine Tremblay. Fine-scale assessment of genetic diversity of trembling aspen in northwestern North America. 2016. BMC Evolutionary Biology 16:231
DOI : 10.1186/s12862-016-0810-1
Background
In North America, the last ice age is the most recent event with severe consequences on boreal species’ ranges. Phylogeographic patterns of range expansion in trembling aspen (Populus tremuloides) suggested that Beringia is likely to be a refugium and the “ice-free corridor” in Alberta may represent a region where small populations persisted during the last glacial maximum (LGM). The purpose of this study was to ascertain whether the origins of trembling aspen in western North America are reflected in the patterns of neutral genetic diversity and population structure. A total of 28 sites were sampled covering the northwestern part of aspen’s distribution, from Saskatchewan to Alaska. Twelve microsatellite markers were used to describe patterns of genetic diversity. The genetic structure of trembling aspen populations was assessed by using multivariate analyses, Mantel correlograms, neighbor-joining trees and Bayesian analysis.
Results
Microsatellite markers revealed little to no neutral genetic structure of P. tremuloides populations in northwestern North America. Low differentiation among populations and small isolation by distance (IBD) were observed. The most probable number of clusters detected by STRUCTURE was K = 3 (?K = 5.9). The individuals in the populations of the 3 clusters share a common gene pool and showed a high level of admixture. No evidence was found that either Beringia or the “ice-free corridor” were refugia. Highest allelic richness (AR) and lowest heterozygosity (Ho) were observed in Alberta foothills of the Rocky Mountains.
Conclusions
Contrary to our hypothesis, our results showed that microsatellite markers revealed little to no genetic structure in P. tremuloides populations. Consequently, no divergent populations were observed near supposed refugia. The lack of detectable refugia in Beringia and in the “ice-free corridor” was due to high levels of gene flow between trembling apsen populations. More favorable environmental conditions for sexual reproduction and successful trembling aspen seedling establishment may have contributed to increase allelic richness through recombination in populations from the Albertan foothills of the Rocky Mountains.
Mathieu Latutrie, Pierre Mérian, Sandrine Picq, Yves Bergeron, Francine Tremblay. The effects of genetic diversity, climate and defoliation events
on trembling aspen growth performance across Canada. 2015. Tree genetics & Genomes 11(5):1-14
DOI : 10.1007/s11295-015-0925-3
Mathieu Latutrie. Les especes clonales sont-elles plus competitives dans un
environnement heterogene ? Dans ce contexte quelle serait
l’importance relative de la diversite vs l’integration entre
les individus ? 2012. Synthèse remis comme exigence partielle du programme de doctorat en science de l'environnement. 47 p.
La reproduction par voie végétative est très courante pour une majorité d'espèces. Cette stratégie permet de créer des descendants génétiquement identiques à leurs parents appelés ramets et privilégier ce type de reproduction peut avoir des conséquences sur la structure génétique des populations (diversité). Il existe cependant des différences fortes entre espèces clonales dans la nature et la durée du lien qui unit deux ramets. Certaines plantes peuvent rester connectées toute leur vie alors que d'autres se séparent rapidement pour constituer des unités physiologiquement indépendantes. Il y a des mécanismes émergents de cette organisation différente entre les plantes intégratrices, comme le développement d'une coopération pour l'acquisition des ressources grâce à la spécialisation et la translocation des ressources d'une partie à l'autre de la plante en fonction des besoins. Chaque ramet qu'il soit intégré ou pas peut exprimer des variations morphologiques (allocation de la biomasse) aux conditions du milieu pour s'adapter aux disponibilités en ressource, c'est la réponse plastique. Cette capacité d'adaptation au milieu peut conditionner les performances en terme de production de biomasse ou bien de compétition.
La disponibilité des ressources (p. ex., nutriments, lumière, eau) dans l'environnement naturel étant spatialement et temporairement hétérogène, les espèces clonales et non clonales vont avoir des stratégies différentes pour obtenir les ressources dont elles ont besoin. En fonction de l'espèce présente et de la nature de l'environnement (homogène ou hétérogène) dans lequel elles se trouveront, les performances en terme de croissance et de compétition vont variées. L'objectif de cette synthèse est de faire l'état de l'avancement récent de la littérature concernant les rapports de compétition intraspécifique et interspécifique en milieu hétérogène et plus précisément essayer de voir si les espèces clonales seraient plus compétitives en milieu hétérogène. Cela passe par la compréhension des mécanismes induits par la stratégie de reproduction (intégration physiologique) et ses conséquences sur l'organisation des populations (diversité génétique).
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