Un nombre croissant d’études suggère que la diversité stabilise la productivité des
écosystèmes. L’effet stabilisant de la diversité reposerait principalement sur
l’asynchronicité de réponse des espèces aux fluctuations environnementales et sur les
interactions entre espèces. Ces deux mécanismes découlent de la complémentarité des
espèces ; deux espèces étant d’autant plus complémentaires que leurs niches
écologiques sont différentes. Les interactions entre espèces pourraient également jouer
un rôle central dans la relation diversité-stabilité en contrôlant les dynamiques de
populations. Toutefois, les mécanismes qui gouvernent l’effet stabilisant de la diversité
sont encore mal compris.
Les forêts offrent un certain nombre d’avantages pour étudier les mécanismes qui soustendent
la relation diversité-stabilité. En effet, dans les écosystèmes forestiers, l’effet
stabilisant de la complémentarité des espèces peut être étudié sans effets confondants
dus aux dynamiques de populations. Cela tient à la durée de vie élevée des arbres qui
implique des dynamiques de populations lentes. Sur des périodes courtes, relativement
à l’espérance de vie des arbres, la relation diversité-stabilité peut donc être étudiée dans
des communautés où les populations restent constantes. Dans ce cas, l'effet stabilisant
de la diversité reposerait principalement sur la complémentarité des espèces et non sur
des mécanismes liés aux dynamiques de populations. Comprendre la relation diversitéstabilité
dans les écosystèmes forestiers est également essentiel étant donné
l’importance de ces écosystèmes pour l’humanité et leur vulnérabilité aux changements
globaux.
Cette thèse a pour objectifs (i) de tester si la diversité stabilise la productivité des forêts
tempérées et boréales de l’Est du Canada, (ii) d’identifier les mécanismes qui
gouvernent cette relation diversité-stabilité, et (iii) de déterminer si la richesse
spécifique peut stabiliser la croissance des forêts face aux changements climatiques.
La relation diversité-stabilité a été étudiée dans des communautés où les populations
étaient maintenues constantes, notamment en travaillant sur de courtes périodes,
relativement à l’espérance de vie des arbres. Ainsi, nous avons pu étudier le rôle de la
complémentarité des espèces dans l’effet stabilisant de la diversité indépendamment
des mécanismes liés aux dynamiques de populations.
Les trois chapitres de cette thèse mettent en évidence un effet stabilisant de la diversité
sur la croissance des forêts. Cet effet est dû, notamment, à l’asynchronicité de
croissance des individus hétérospécifiques. Cette asynchronicité de croissance des
individus provient de leur différence de réponses aux fluctuations climatiques et de leur
sensibilité différentielle aux insectes phytophages. La diversité stabilise également la
croissance des forêts en induisant des interactions favorables entre les individus. Ces
interactions favorables peuvent augmenter la croissance individuelle et tamponner la
réponse des arbres aux fluctuations climatiques. Cet effet stabilisant de la diversité
pourrait se maintenir face aux changements climatiques.
A la lumière de ces résultats, augmenter la diversité des peuplements apparaît comme
une stratégie permettant de stabiliser les revenus de l’exploitation forestière,
notamment face aux changements climatiques. Afin de maximiser l’effet stabilisant de
la diversité les mélanges d’espèces ayant des niches écologiques complémentaires
pourraient être favorisés. Nos résultats rejoignent ainsi un nombre grandissant d’études
appelant à augmenter la diversité dans les peuplements forestiers.
Cette thèse met en évidence l’effet stabilisant de la diversité dans les écosystèmes
forestiers et permet de mieux comprendre les mécanismes qui sous-tendent la relation
diversité-stabilité. Toutefois un certain nombre d’incertitudes demeurent. Des études
supplémentaires sont nécessaires afin de déterminer si l’effet stabilisant de la diversité
sur la productivité forestière est généralisable à tous les types de forêts.