La forêt boréale représente le biome terrestre le plus fortement affecté par le changement climatique, qui module à la fois les facteurs limitant la croissance des arbres et le régime des feux. Aucun consensus n’existe concernant les impacts de ces changements sur la croissance des espèces d'arbres qui s’y trouvent, alors que leurs effets sur l’activité du feu en forêt boréale nord-américaine vont dans le même sens en prévoyant une augmentation de l’occurrence des feux, de leurs intensités et des superficies brûlées. La croissance des arbres et les feux sont pourtant généralement projetés indépendamment. De plus, en territoire aménagé, deux risques sont liés aux feux de forêts : le premier étant que le peuplement brûle avant d’avoir été récolté, le second étant que le peuplement brûle avant d’avoir atteint l’âge minimal nécessaire à se régénérer. Pourtant, les impacts des accidents de régénération sur la forêt boréale restent une incertitude, et ce, dans un contexte de changement climatique. L’objectif général de cette thèse est de contribuer à projeter quels seront les effets du changement climatique sur la capacité d’aménager de façon durable la forêt boréale du nord du Québec. Le but est donc d’évaluer les effets du changement climatique sur la productivité de la forêt boréale québécoise en tenant compte des impacts projetés sur la croissance des arbres (effets directs), sur leur densité et sur le régime des feux (effets indirects). De façon plus appliquée, l’objectif de ce doctorat est d’évaluer si la limite nordique d’attribution des forêts pourrait être déplacée (vers le nord ou le sud) avec le changement climatique afin de réduire l’impact du changement climatique sur cette limite. La présente thèse est constituée de trois chapitres liés les uns aux autres dans une suite logique. Dans le premier chapitre, nous avons évalué les impacts du changement climatique sur la croissance de l’épinette noire (Picea mariana [Miller] BSP) et du pin gris (Pinus banksiana Lambert), deux espèces d’arbres dominantes dans les forêts boréales d’Amérique du Nord. Nous avons trouvé un effet positif du déficit de pression de vapeur sur la croissance des deux espèces, bien que l’effet sur l’épinette noire se soit stabilisé. Sur cette dernière, les températures ont eu un effet positif sur la croissance, effet qui a été atténué lorsque les conditions climatiques sont devenues plus sèches. Inversement, la sécheresse a eu un effet positif sur la croissance sous des conditions froides et un effet négatif sous des conditions chaudes. Pour le deuxième chapitre, notre objectif est d'évaluer l'impact combiné des changements de croissance et de régime des feux dus au changement climatique sur la réserve de bois à la transition entre les forêts boréales de conifères fermées et ouvertes au Québec. La réserve de bois correspond au stock de tiges marchandes disponibles pour la récolte et dépend du taux de croissance des espèces d'arbres et du taux de perturbation. Afin d'identifier les zones susceptibles d'être les plus sensibles au changement climatique, nous avons projeté les impacts induits par le climat sur la croissance (avec le modèle du chapitre 1) et l'activité des feux sur différentes périodes. Notre étude montre l'importance d'intégrer le feu dans la planification stratégique de l’aménagement forestier, en particulier dans un contexte de changement climatique. Dans les scénarios les plus extrêmes, l'impact négatif de l'activité des feux sur la productivité annule en grande partie les effets positifs du changement climatique via l’amélioration de la croissance des arbres. Dans le troisième chapitre, nous avons évaluer l’impact des accidents de régénération sur la productivité de la forêt boréale québécoise, pour l’épinette noire et le pin gris, en tenant compte des variations projetées de croissance, de densité de tiges et de taux de brûlage dues au changement climatique. Pour atteindre cet objectif, nous nous sommes servis des deux chapitres précédents en utilisant notamment la méthode du chapitre 2 pour déterminer le devenir de la productivité forestière face au changement climatique, en tenant compte des changements de croissance (grâce au modèle du chapitre 1) et de l’activité des feux. Pour estimer le risque d'accident de régénération, nous avons calculé un temps jusqu'à la maturité reproductive. Nos projections qui tiennent compte du risque d'accident de régénération dû au feu sont beaucoup plus inquiétantes et indiquent une possible surestimation de la superficie forestière productive de la forêt boréale québécoise. Il y a donc un besoin pressant de mieux suivre la régénération après une perturbation naturelle. Les résultats de cette thèse montrent que la superficie forestière de la forêt boréale québécoise, qui peut être aménagée de façon durable, tendra à diminuer sous l’effet du changement climatique. Il semble donc impossible qu’à l’avenir un aménagement durable des forêts puisse être étendue au nord de la limite nordique d’attribution des forêts actuelle. Cette limite devrait au contraire être relocalisée vers le sud, notamment au niveau de la zone centrale qui semble particulièrement frappée par le changement climatique. En revanche, les parties sud-est et sud-ouest de notre zone d'étude ont le potentiel d’être gérées de manière durable et pourraient être privilégiées pour l’aménagement forestier. Ces zones semblent peu affectées par l’augmentation des feux et leur volume marchand pourrait être aussi favorablement influencé par une meilleure croissance. Nous recommandons toutefois avant d’y faire plus d’aménagement intensif d’y évaluer de manière plus dynamique les effets de l’aménagement intensif et du changement climatique sur la productivité des peuplements.