En forêt boréale mixte, on reconnaît qu’en absence de feu, ce sont les épidémies de la tordeuse des bourgeons de l’épinette qui influencent le plus la structure des peuplements. On reconnaît aussi que la caractérisation des impacts et le suivi à long terme des peuplements affectés contribueraient grandement à la compréhension de la dynamique naturelle de ces peuplements. Jusqu'à ce jour, cependant, aucune étude n’a caractérisé de façon précise, la distribution des impacts des épidémies de la tordeuse des bourgeons de l’épinette (TBE). Nous proposons, dans le cadre de cette étude, de tester une méthode qui utilise les photos aériennes pour caractériser la distribution des impacts d’une épidémie au sein de peuplements de composition variée en forêt boréale mixte. L’utilisation des photos aériennes a pour but de faciliter la caractérisation continue de la structure du couvert forestier sur de grands territoires (secteurs d’environ 50 hectares), et de tirer profit de l’information disponible sur le passé (anciennes photos) pour effectuer cette caractérisation à deux moments différents dans le temps. Nous avons subdivisé les secteurs étudiés en cellules de 500m² et avons évalué le pourcentage d’ouverture du couvert forestier pour chaque cellule comprise dans ces secteurs. Afin de décrire les impacts causés spécifiquement par l’épidémie ayant sévi sur notre territoire de 1970 à 1988, nous avons effectué la caractérisation avant l’épidémie (1972) et après l’épidémie (1994).
Nous avons testé la méthode d’évaluation du degré d’ouverture sur photos aériennes en comparant nos résultats à ceux obtenus avec deux méthodes différentes utilisées sur le terrain. Dans les deux cas, les résultats montrent une forte corrélation entre les deux méthodes. Nous avons poursuivi en évaluant, à l’aide de cette technique, le degré d’ouverture du couvert forestier de 5 secteurs situés dans 5 peuplements de composition variée, et ce au tout début de l’épidémie, en 1972 et après l’épidémie, en 1994. Les résultats de l’interprétation des photos prises au tout début de l’épidémie montrent que le degré d’ouverture moyen de la canopée est similaire dans la majorité des peuplements (17-20%), peu importe leur composition. La distribution spatiale des ouvertures est très homogène avec la majorité des cellules évaluées montrant des degrés d’ouvertures bas et près de la moyenne. Après l’épidémie, tel qu’évalué sur les photos de 1994, le degré d’ouverture moyen augmente en fonction de la proportion d’espèces hôtes à la TBE présente dans les peuplements, jusqu’à un maximum de 44% dans le plus vieux peuplement. On observe aussi des patrons spécifiques pour chaque peuplement quant à la distribution spatiale des différents degrés d’ouverture. Dans le peuplement à dominance de feuillus, le degré d’ouverture moyen ne change pratiquement pas, et la distribution des degrés d’ouverture demeure très homogène avec la grande majorité des cellules montrant un degré d’ouverture bas. En peuplement mixte, on obtient une augmentation moyenne du degré d’ouverture d’environ 14%, la distribution de ces changements se fait de façon plus hétérogène puisque l’on retrouve des secteurs faiblement, modérément et fortement affectés. En peuplement dominé par les conifères, le degré d’ouverture moyen augmente de 20 à 26% et l’on retrouve une division encore plus marquée entre les secteurs fortement, moyennement ou faiblement affectés. Cette division en taches des différents degrés d’ouverture suggère qu’avant l’épidémie, la distribution et la concentration des espèces hôtes se présentaient aussi de façon variable à l’intérieur des peuplements.
L’hétérogénéité spatiale et la variabilité dans l’intensité des impacts observées au sein d’un peuplement suggèrent que les études sur la régénération et sur les répercussions d’une épidémie sur la composition pourraient se faire en fonction des différents degrés d’affectation observés. On suggère par exemple d’échantillonner au sein des zones qui suite à l’épidémie, présentent à peu près le même degré d’ouverture.
La caractérisation de la quantité et de la distribution spatiale des impacts (degrés d’ouverture) au sein des différents types de peuplements pourrait éventuellement servir de base à l’élaboration de nouvelles approches sylvicoles qui imiteraient les impacts que cause une épidémie de la TBE. © 2003 UQAM tous droits réservés.